La mission d’information sur le dossier des inondations a produit son rapport. Lequel sera remis au chef de l’État, Macky Sall, lundi prochain, 16 novembre. Mais emedia révèle en exclusivité les conclusions de la mission. Laquelle a été effectuée du 15 septembre au 31 octobre 2020, sous la conduite du député Pape Sagna MBAYE, président de la Commission du Développement durable et de la Transition écologique, secondé par Mamadou Lamine DIALLO, député non inscrit et vice-président, et Théodore Chérif MONTEIL, le rapporteur, entre autres membres.
Contexte de la mission
Pour rappel, au moment où l’ouverture d’une enquête parlementaire était entendue, après les fortes pluies qui se sont abattues les 5 et 6 septembre 2020, faisant 6 morts, et causant des inondations, sans précédent, avec des conséquences de grande ampleur, dans la quasi-totalité du pays, c’est une mission d’information qui est lancée, à la surprise générale, suite aux vagues d’interrogations sur la mise en œuvre du Programme décennal de Lutte contre les Inondations (PDLI). Un programme déclenché à l’issue du Conseil présidentiel du 19 septembre 2012, il y a huit ans donc, par le chef de l’État, Macky Sall, dans le souci de lutter contre les inondations au Sénégal.
Le contexte est ainsi défini dans le rapport : « pour jouer pleinement son rôle de contrôle de l’action du Gouvernement, le Bureau de l’Assemblée nationale a institué, lors de sa réunion du 15 septembre 2020, conformément aux dispositions de l’article 49 de son Règlement intérieur, une Mission d’Information parlementaire (MIP) portant sur le dossier des inondations qui sera conduite sur la base d’une Feuille de route définie par le dit Bureau. Lequel programme mené par un groupe de quinze députés, répartis entre le groupe de la Majorité ’’Benno Bokk Yakaar’’ (10 Députés), le groupe de l’Opposition ’’Liberté et Démocratie’’ (3 Députés) et le groupe des députés Non-inscrits (2 Députés), et installé le 22 septembre 2020, a déroulé sa feuille de route. Laquelle a, d’abord, consisté à la collecte des informations essentielles, au Bureau d’Information gouvernementale, à la Direction de la Prévention et de la Gestion des Inondations, entre autres, ensuite aux auditions organisées dans les locaux de l’Assemblée nationale durant la période du 08 au 11 octobre 2020.
Évaluation du PDLI
Des échanges qui ont permis d’obtenir des informations notamment sur l’état d’exécution des projets confiés à chaque département ou agence/office dans le cadre du PDLI ; sur les montants dépensés ou en prévision, pour chaque projet exécuté ; sur les difficultés rencontrées dans l’exécution des projets réalisés ou en cours de réalisation. Au-delà, il s’agissait de passer en revue la politique globale de l’Etat en matière de gestion des inondations, en dehors du cadre et de la séquence temporelle du PDLI.
Sur ce point précis, la principale conclusion est la suivante : « Même s’il reste encore à faire pour arriver à la maîtrise totale des inondations à travers le pays, les efforts déployés dans le cadre de la mise en œuvre du PDGI 2012-2022 ont commencé à être efficaces et des progrès notoires sont ressentis. En particulier, la construction d’infrastructures de drainage des eaux pluviales dans des quartiers jadis soumis aux inondations a permis de réduire efficacement le phénomène, et de libérer des eaux de plusieurs zones habitées à Dakar et dans les autres régions avec des impacts réels, notamment à Ouest Foire, Grand Yoff, Dalifort, Wakhinane Nimzatt, Yeumbeul, Medina Gounass, Djidah Thiaroye Kao, Keur Mbaye Fall, Guinaw Rail Nord, Diamaguéne Sicap Mbao, Tivaouane Diaksao, Guinaw Rail Sud, Thiaroye Gare, Bambey, Touba, Sédhiou, Kaffrine et Fatick. »
Par ailleurs, « le relogement de milliers de familles qui se trouvaient dans des zones basses et irrécupérables, en mettant à leur disposition des maisons clés en main dans des 11 zones bien à l’abri des inondations est aussi un point positif qui matérialise l’engagement de l’État à réduire la vulnérabilité des populations. Le programme décennal a fait l’objet de plusieurs évaluations, notamment en 2017 et 2018, qui ont permis de mettre en évidence les réalisations et performances de plusieurs entités de l’Etat dans le cadre de la connaissance des territoires, de leur restructuration, du relogement et du drainage des eaux de pluie. »
S’agissant de l’évaluation en question, le rapport révèle que le programme initial de 766 milliards 988 millions 450 mille 362 F CFA est présentement exécuté à hauteur de 511 milliards 231 millions 298 mille 456 F CFA, soit 66,65 %.
Ainsi, les sous programmes les plus avancés sont « Aménagement du Territoire » et « Gestion des Eaux Pluviales ». Ce, malgré un taux de réalisation de 11,76 % de la composante « Restructuration Urbaine et Relogement », l’objectif de construction de 2000 logements a été largement atteint avec 2348 réalisés. Les opérations de restructuration se sont surtout concentrées dans la région de Dakar où l’urgence de construire des infrastructures de drainage des eaux pluviales était la plus pressante.
S’agissant du sous-programme 1 portant sur l’aménagement du territoire et amélioration de la connaissance des zones d’inondation. Elle a vu la réalisation par l’ANAT du Schéma Directeur d’Aménagement et de Développement territorial du triangle Dakar-Thiès-Mbour qui prend en compte les nouvelles exigences de la planification intégrant les risques inondation pour un budget de 425 000 000 F CFA.
Également, le Gouvernement, avec l’appui de l’Agence française de Développement (AFD), a obtenu un don du Fonds Vert pour le Climat pour financer les activités du Projet de Gestion Intégrée des Inondations au Sénégal (PGIIS) destiné à promouvoir une meilleure connaissance, prévention, gestion et gouvernance du risque d’inondation. Ce projet a démarré avec notamment la cartographie fine et précise des zones inondables. Il prévoit l’équipement de l’ANACIM d’un radar météorologique pour le Grand Dakar permettant de localiser les précipitations et de mesurer leur intensité en temps réel. Ce radar d’une portée d’environ 100 km pour la mesure et de 150 à 200 km pour la détection des phénomènes dangereux permettra également une bonne préparation des structures opérationnelles dans la gestion des urgences liées aux inondations. Le coût du projet est de 9 milliards 538 millions 785 mille 438 F CFA.
Au total, les investissements pour cette composante sont arrêtés à la somme de 11 milliards 238 millions 785 mille 438 F CFA.
Le sous-programme 3 « Gestion des eaux pluviales » a connu plus de réalisations, dans la région de Dakar, mais aussi dans les autres régions notamment à Diourbel (Bambey et Touba), à Fatick et Thiès. Il compte à son actif plus de 85.000 ml de réseaux de drainage, plus d’une quarantaine de stations de pompage et plus d’une vingtaine de bassins de rétention. Les investissements au titre de ce volet s’élèvent à environ 438 670 934 296 de F CFA et font presque le double du budget 10 prévisionnel du programme décennal. Ceci s’explique par les nouveaux projets de PROMOVILLE et de AGEROUTE qui ont contribué pour près de 38 % des réalisations. Les autres contributeurs importants étant l’APIX (PIS et TER) pour 88 982 665 586 F CFA, l’ONAS pour 77 451 209 181 F CFA et l’ADM (PROGEP) avec 62 810 000 000 F CFA.
D’autres projets initiés dans le cadre du PDGI, avec le concours de partenaires techniques et financiers, ont contribué à la gestion des inondations notamment : Projet de réhabilitation des forages de Thiaroye qui permet le rabattement de la nappe dans la banlieue de Dakar ; Projet « Vivre avec l’eau » initié avec le concours de la Coopération britannique qui a aidé les populations de dix communes de la banlieue de Dakar vivant dans des zones d’inondation à s’adapter en toute sécurité aux situations d’inondation et même à utiliser l’eau pour développer leurs moyens de subsistance en lançant de petites entreprises agricoles.
Les principales recommandations
Parmi les recommandations, le gouvernement est invité à tenir compte de la période humide actuelle que connait le Sénégal, (d’après les prévisions de l’ANACIM, le Sénégal est entrain de quitter une période de sécheresse de 30 ans et entre dans une période humide), et l’identification de 401 sites endémiques répartis sur le territoire national, l’actualisation du PDLI s’impose. Il devra impliquer les collectivités territoriales et tous les acteurs associés et tenir compte des spécificités des zones.
Au-delà d’une appellation uniforme du PDLI, il urge d’alléger les procédures de lotissement et encourager la planification de l’urbanisation. A cet effet, il devient urgent de réfléchir et de concevoir un type d’habitat adapté en zone rurale. Les cases en banco ont souffert des fortes pluies et de la foudre, 15 notamment dans les régions centre, est et sud du pays.
La déconcentration des procédures de lotissement devra être envisagée de même que les normes d’aménagement urbain. De même que le renforcement des dotations de paratonnerres sur l’ensemble du territoire et veiller à leur qualité et fonctionnalité.
Il est recommandé également de « doter toutes les communes de Plans Directeurs d’Urbanisme, de Plans d’Urbanisme de Détail et de Plans Directeurs d’Assainissement ; d’accorder une place importante au volet restructuration et relogement au même titre que les autres composantes. »
Par ailleurs, « il est important de désigner les acteurs responsables de la maintenance et du suivi des ouvrages. »
La mission propose aussi de mener une étude institutionnelle pour la définition de l’ancrage de la gouvernance de la lutte contre les inondations, l’identification des acteurs, le mode de coordination, l’organisation et le fonctionnement de l’ONAS et le type de prise en charge de l’assainissement des eaux usées et des eaux pluviales. Et de renforcer les mesures de contrôle contre l’occupation anarchique des bas-fonds, des lacs et des voies d’eaux (Marigot de Mbao, lac Wourouwaye, Guinaw rails, Saint Louis).
Des visites de terrain ont été menées, sur toute l’étendue du territoire, réparti en six axes : Thiès-Mbour-Fatick, Diourbel-Touba-Matam, Kaolack-Kaffrine-Tambacounda-Kédougou, Louga-Saint-Louis-Podor, Ziguinchor-Sédhiou-Kolda, et Dakar. Et, au total, sept (07) Ministres ont été auditionnés : Eau et Assainissement, Intérieur, Développement communautaire et Equité sociale et territoriale ; Urbanisme, Logement et Hygiène publique, Finances et Budget ; Collectivités territoriales, Développement et Aménagement des territoires ; Environnement et Développement durable. Et cinq (05) Directeurs généraux : ADM ; ONAS ; AGEROUTE ; AGETIP ; APIX.
Evalué à 766 milliards 988 millions 450 mille 362 F CFA, le PDGI est articulé autour de trois phases : phase d’urgence 2012-2013 pour une prévision de 66 375 000 000 F CFA, phase intermédiaire 2014-2016 pour 250 603 987 772 F CFA, et phase moyen et long termes 2017-2022 de 450 009 462 591 F CFA.
Le Plan national d’aménagement et de développement territorial pour un coût de 1 milliard 700 millions F CFA a été aussi élaboré.