Le site du stade Maitre Babacar Seye : Pour quel futur ? (par Mamadou Mbaye )

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Le projet de délocalisation de l’actuel stade Maitre Babacar Seye de Saint-Louis est aujourd’hui au cœur d’une polémique passionnée, teintée, d’un positif sentiment d’attachement à la ville, inducteur d’une mobilisation collective. Si Saint-Louis a une seule et unique chance, c’est l’affection que lui portent ses fils qui, s’enorgueillissant, aiment décliner fièrement et de vive voix, partout où ils sont, leur statut de « domou ndar » ou de « ndar-ndar ».
L’attachement à Saint-Louis du Sénégal vaut également l’attachement à ses monuments et patrimoines, dont le mythique stade Maitre Babacar Seye anciennement appelé Stade Wiltord, niché dans l’avenue principale Général De Gaulle, et qui a été témoin des sacres en coupe du Sénégal de l’Espoir de Saint-Louis en 1961, de la Saint-Louisienne en 1966, de la Linguère de Saint-Louis (issue de la fusion en 1969 de l’Espoir et de la Saint-louisienne) en 1971 devant le grand Jaraf sur le score de 3 but à 0 , en 1988 devant le Saltigué sur le score d’un but à zéro, puis en 1990 face au port de Dakar sur le même score. Ce stade a également été témoin du sacre de la Linguère lors de la toute première année d’organisation de la ligue de Football professionnelle en 2009. Il est témoin de l’histoire de Saint-Louis et fait effectivement partie du substrat de la ville. C’est pourquoi cette dialectique autour de sa délocalisation est effectivement compréhensible. Si la dialectique est le moteur de l’histoire et qu’il faille comprendre la tension ambiante entourant le sujet, il faut reconnaitre aussi que la polémique est malheureusement, heureusement dans une mesure minime, entretenue par une campagne de désinformation aux relents politiques qui n’a de soubassement qu’un combat politicien.
Il nous faut plutôt en toute objectivité, dépassionner le débat et surtout le placer dans un contexte plus global de l’avenir, de la vocation économique et de la place de la ville de Saint-Louis dans l’émergence du Sénégal.
Aujourd’hui, la ville de Saint-Louis est en mutation profonde. La démographie est de plus en plus importante, les défis urbains, sociaux et économiques sont de plus en plus impérieux. On est bien loin de l’époque où la ville de Saint-Louis se limitait à Khor ou

à Pikine. Aujourd’hui, elle est une grande ville, une population jeune, en proie au chômage et au sous-emploi.

Ces situations placent la ville face à plusieurs impératifs qui s’intègrent parfaitement: (i) un impératif d’aménagement urbain pour un mieux vivre et une meilleure circulation, (ii) un impératif de création d’opportunités économiques pour la résorption du chômage et la diminution de la pauvreté, (iii) un impératif de création d’espaces d’épanouissement pour les jeunes, mais aussi et surtout intégré à la nouvelle économie du sport.
Devant cette situation, tout projet d’envergure à mettre en oeuvre dans cette ville, doit tenir compte de ces impératifs, pour aller dans le sens de l’amélioration des conditions de vie des populations. C’est pourquoi Saint-Louis gagnerait à mieux étudier le projet visant le stade Maitre Babacar Seye dans une dynamique de concertation et de bonne entente. Le premier consensus sur lequel s’accorderont certainement tous les fils de Saint-Louis, c’est l’opportunité et la pertinence de l’érection d’une infrastructure sportive moderne et de classe internationale dans la ville.
De la pertinence d’un palais des sports moderne et multifonctionnel pour la ville tricentenaire
Aujourd’hui, le sport n’est plus seulement une affaire ludique. Il est devenu tout un écosystème économique et un vecteur de création d’opportunités de développement. Un stade c’est tout un environnement d’affaires qui doit offrir diverses commodités, mais aussi diverses opportunités. Sous un autre angle, il faut le constater pour le déplorer, que Saint-Louis ne peut pas accueillir de compétition internationale de Football. Or, l’organisation de compétition internationale est un moyen de faire vivre les hôtels, le tourisme, le secteur du restaurant, le secteur de l’artisanat, etc. Pour beaucoup de Saint-Louisiens, l’éjection de la ville de Saint-Louis, parmi les villes candidates à l’accueil de la dernière CAN organisée au Sénégal en 1992 est restée au travers de la gorge. Pourtant Un lobbying intense avait été mené par un comité comprenant des personnes comme feu Mawade Wade. Mais Ziguinchor fut retenue à la place de Saint-Louis. Une des raisons principales était relative au manque d’infrastructures d’accueil. Aujourd’hui, le Sénégal ambitionne d’abriter à nouveau la CAN, il ne faudrait pas que l’histoire se répète pour Saint-Louis qui a déjà des atouts importants à faire valoir, comme le statut de patrimoine mondial de l’UNESCO et l’existence d’énormes atouts touristiques (longue plage de sable fin, le fleuve Sénégal, le lac de Guier, 02 embouchures, des réserves et parcs animaliers, des hôtels, etc.). Si donc un stade d’envergure voyait le jour dans la ville, les chances d’accueillir des compétitions internationales ne seraient que plus grandes. Au-delà du Football, un palais des sports multifonctionnel permettrait également à Saint-Louis d’abriter très souvent des compétitions internationales de basket Ball, d’arts martiaux, d’athlétisme, etc.
Relativement à l’athlétisme, Saint-Louis doit aspirer à avoir un stade qui permette la pratique des disciplines de course de vitesse, de course de fond, de lancers (poids, disque, marteau, javelot), de saut, etc. Le stade doit aussi disposer de zones annexes comme les aires d’échauffement, les vestiaires sportifs, les vestiaires des juges, les salles de rangement des matériels, les chambres d’appel, le service médical, le poste de contrôle anti-dopage, les postes de direction, le bloc technique, le secrétariat, etc. La réalité aujourd’hui, c’est que la région de Saint-Louis toute entière ne dispose que d’une seule piste d’athlétisme qui n’a que 06 couloirs, alors que selon les normes de l’IAAF, une piste doit avoir au minimum 08 couloirs.
Relativement au basket, à l’image du stade Demba Diop de Dakar qui porte en son sein le stadium de basket Marius Ndiaye, un stade omnisport à Saint-Louis devra également ambitionner d’avoir une salle de basket de classe internationale, surtout que les équipes de basket de la ville continent de faire les beaux jours du basket sénégalais. Le Handball et le Volleyball ne sont pas en reste.
Enfin, pour les arts martiaux, le constat général est que la ville ne dispose pas d’un dojo régional dans lequel pourraient se tenir les manifestations. Les arts martiaux à Saint-Louis souffrent en effet d’espace de prestation et sont obligés de se rabattre sur le complexe Didier Marie (qui abrite le tournoi international de judo) qui est privé ou sur les places publiques à ciel ouvert. La gymnastique artistique de même que la lutte olympique sont presque inexistants malgré le dynamisme de certains comités d’initiatives et la volonté de certains pratiquants.
Il nous semble ainsi établi que l’érection d’un palais des sports multifonctionnel à Saint-Louis est d’une pertinence réelle.
Cette question évacuée, il faudrait se poser les suivantes. Dans quelle zone une telle infrastructure pourrait-elle être construite ? est il possible sur le site actuel ? Nous pensons qu’une infrastructure de cette taille a besoin d’une assiette foncière plus importante et donc devrait être localisée dans la zone de Bango et de Ngallele.
De la pertinence de son érection dans la zone de Bango : La ville de Saint-Louis est malheureusement, il faut le reconnaitre en train d’atteindre ses limites en termes de géographie. C’est d’ailleurs pour cela que l’alternative qui s’offre à beaucoup de Saint-Louisiens de naissance ou d’adoption, c’est le choix d’habiter dans des sites localisés dans la périphérie de la ville comme Bango et Ngallele, mais aussi dans des communes voisines comme Gandon et Gandiol. C’est ainsi que Ngaye Ngaye, Ngaina, Ndialakhar, Boudiouck, Sanar Peulh et Wolof, etc., s’illustrent de plus en plus comme des villes nouvelles.
La zone de Bango devrait également accueillir un centre de formation aux métiers du gaz et du pétrole, sur une assiette foncière de deux hectares, sans compter l’université Gaston Berger, l’université Cheikh Ahmadou Bamba, démembrement d’AL AZHAR, installée à Ngallèle, etc. Cette zone offre donc des perspectives de développement intéressantes et pourrait s’illustrer comme une ville nouvelle d’un apport conséquent au processus de développement de Saint-Louis.

Donc « allons poser la première pierre » et ensuite posons-nous la question suivante : qu’est-ce qu’il faut faire de l’actuel stade maitre Babacar Seye. La réponse à cette question appelle d’autres questions : faudrait-il le conserver comme un stade et le réhabiliter pour y ternir des compétitions de Football ? Faudrait-il au contraire, l’utiliser à d’autres fins prioritaires pour la ville ? La Ville de Saint-Louis a-t-elle aujourd’hui besoin de 3 stades de compétitions ?
De la pertinence de l’option de bâtir une cité des affaires digne de ce nom sur ce site
S’il est vrai qu’abondance de biens de nuit pas, il est tout aussi bien de comprendre que parfois un arbitrage s’impose entre ce qui est bien car chargé d’attache affective et ce qui est bien car plus utile pour le développement social et économique. Aujourd’hui, il faut le reconnaitre, le stade Maitre Babacar Seye n’a jusque-là été qu’un stade de Football. Il n’a pas su produire les ressources nécessaires à son entretien. C’est pourquoi d’ailleurs il s’est détérioré plusieurs fois. S’y ajoute, le système d’évacuation des eaux de pluies qui expose le stade à des inondations. Sa réhabilitation nécessitera sans doute un investissement colossal qui pourrait être plus utile à la construction d’un nouveau stade.
Ainsi, il nous semble pertinent de réfléchir sur l’érection d’une grande cité des affaires sur le site de l’actuel stade maitre Babacar Seye. Qu’est ce qui pourrait justifier cette option parmi tant d’autres ?
Aujourd’hui, l’ancien comptoir commercial a une vocation économique réelle, affirmée dans le dernier Plan Régional de Développement Intégré (PRDI 2013-2017). A cette vocation, il faut ajouter la nouvelle donne relative à la découverte de pétrole et de gaz au large des côtes de la commune. Saint-Louis doit en effet se préparer à l’exploitation prochaine de Saint-Louis Offshore Profond qui a un potentiel énorme avec des réserves estimées à 450 milliards de m3. Ainsi, il nous semble opportun de parler d’une cité des affaires pour l’amélioration de l’attractivité des investissements. La cité des affaires de Saint-Etienne en France, avec l’immeuble de bureaux argent et or, la ville d’affaires Singapour, le Canary Wharf qui est une référence financière à Londres ou encore la Défense de Paris, référence nationale et européenne des quartiers d’affaires sont autant d’exemples qui peuvent inspirer Saint-Louis, ancienne capitale de l’Afrique occidentale française, capitale du Sénégal et capitale de la Mauritanie.
Le site du stade Maitre Babacar Seye est très intéressant. Il est situé sur une avenue principale et sa position entre une brigade de gendarmerie, un commissariat de police lui assure une bonne sécurité. Imaginons voir sortir de terre, dans ce site, non pas de petites cantines en fer mais deux blocs d’immeubles de plusieurs étages, avec des parkings souterrains. Ils pourraient contenir tous les marchands installés le long de l’avenue et dans la gare routière de Bango mais également recevoir tous les marchands ambulants qui s’installent sur le long de l’avenue du Général De Gaulle ainsi que des entreprises privées, des banques, des guichets uniques de création d’entreprise, etc. Cette approche rentrerait d’ailleurs dans le Plan Départemental de Développement (PDD 2016-2021), bâti autour de la vision : « Saint-Louis, une plateforme de services pour l’émergence économique et sociale du pôle nord ».
Ainsi, il nous parait à plus d’un titre, pertinent de délocaliser ou déménager le stade Maitre Babacar Seye, malgré l’attache affective, pour le reconstruire dans un site plus grand et plus adapté, et d’utiliser son site actuel comme une véritable place d’affaires et d’opportunités économiques qui contribuerait à faire de notre ville le Manhattan du Sénégal, au-delà, de l’Afrique de l’Ouest. C’est bien possible ENSEMBLE.
Mamadou MBAYE
Juriste, Financier
Expert en « financement de la santé » et CMU
Léona Sor Saint Louis
mbaaye@yahoo.fr
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