Publication d’un recueil de poèmes : Mary Teuw Niane charge élèves, étudiants et Ong dans son recueil de poèmes

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L’OBS – Loin des amphithéâtres et de l’arène politique, Mary Teuw Niane s’illustre encore. Son emploi du temps surchargé au ministère de l’Enseignement supérieur ne l’empêche pas d’écrire un poème pour la postérité. Comme à l’accoutumée, il n’a pas ménagé ses partenaires de l’éducation. Etudiants et syndicalistes en ont pris pour leur grade. La cérémonie de dédicace aura lieu ce 13 janvier à l’Harmattan.

Mary Teuw Niane se défait d’une partie du voile de mystères qui enveloppait, jusque-là, ses 62 ans d’existence. Son enfance, son adolescence, sa vie. Il en parle sans retenue et se laisse découvrir dans son recueil de poèmes intitulé «Le ciel et les Mots.» Le ministre, dans ce recueil, guide le lecteur jusque dans son intimité. Il l’entretient de moult sujets. Même ceux qui, pour beaucoup, relèveraient de la vie privée. Il parle de sa maman, Bigué Sow, son épouse, Fatoumata Ndiaye et ses cinq enfants, Ngolo Kodé, Aïssatou, Abdou Khadre, Mamadou et Bigué. Vous l’aurez remarqué : il ne manque que le père pour que la famille soit au complet. Mais la présence de l’oncle, Ngolo Sow, pallie cette absence, si l’on sait que dans nos sociétés matriarcales, l’enfant hérite le frère de sa maman.

Loin du politiquement correct et du langage policé des diplomates, le ministre-poète expose en toute liberté ses convictions et principes fondamentaux. Pour le poète, il n’y a pas de tabou. L’on découvre qu’il n’est pas seulement mathématicien et politicien. Il est aussi «berger», «rebelle» et «anticonformiste». Dans ce livre, le défenseur invétéré de la promotion des Stem dans le système éducatif national «oublie» les chiffres. Il arbore les lettres. Il saisit la magie des mots pour partager ses sentiments les plus profonds. Il s’insurge contre la «Cohorte d’hyènes et de vautours» qui essaiment vers le continent africain, avec comme seul objectif : profiter de ses richesses. «Cette horde de parasites félons mine le continent», décrie-t-il dans «Changer» P. 48.

Samba Diallo, dans «L’Aventure ambigüe», a sa Grande royale. Mary Teuw, dans «Le Ciel et les Mots», a la sienne. Elle se nomme Bigué Sow. Sa maman, «mère des orphelins», «mère des déshérités perdus dans la rue.» Dans ce recueil, on découvre un autre M.T.N, départi de ses traits d’homme insensible, trop rigoureux et va-t-en-guerre. Il se vêt du manteau d’homme doux, tendre et romantique. Dans le poème «Ma mère» P. 37 et suivants, il se rappelle, nostalgique : «Que j’avais hâte de me blottir dans tes habits aux parfums de première pluie…» L’enfant est toujours bébé et innocent devant sa génitrice. Mary Teuw, lui ne se sentira presque jamais assez «vieux» pour s’émanciper de l’affection de feue sa mère. «Je ne suis pas encore suffisamment adulte pour perdre le privilège de poser ma tête sur tes genoux, goûter aux délices des caresses de tes doigts fins à la peau de chamois», dit-il, mélancolique.

Outre la mère, l’épouse. Son «amie préférée», sa «princesse léboue» qui aimait le muguet. Pour elle, il dit avoir composé des mots bien rythmés «presqu’au son du joung-joung». Il revient sur leur rencontre. Leurs habitudes des mois de mai à Paris. Le poète, tout en restant profondément africain, savait aussi s’ouvrir aux bonnes pratiques des autres. Par exemple, offrir des fleurs à sa dulcinée. «Combien de muguets ai-je offerts un premier mai ?» Mais, c’était toujours à Paris. Jamais à Dakar. Une fois au Sénégal, le Parisien abandonnait ses habitudes. «Je ne pus mesurer l’effritement de ma sensibilité romantique et aristocratique», regrette l’homme aux yeux de Chinois hérités de sa mère. Mary Teuw Niane, devant «la fille de Rufisque», perd le Nord. Rien que pour elle, il nourrit de forts sentiments pour cette ville historique aux rues «pourries» et «poussiéreuses». «Ses lèvres suaves, sa cicatrice et son visage mystérieux m’ont ébloui et soumis. J’ai senti la douceur de la fille solitaire. J’ai goûté au baiser sucré et j’ai compris. J’aime la fille de Rufisque», s’exclame-t-il, envoûté.

Dans son recueil, le ministre de l’Enseignement supérieur n’occulte aucun sujet. La science, la métaphysique, ses amours…Il parle, outre ses deux femmes préférées, des villes auxquelles il s’attache. Du Matin, de La Nuit, de la Vie, de Demain, du Sommeil, du Repos, du Temps… Mais surtout de la femme en qui il place plein d’espoir. «Femme noire, femme brune, écrit-il à la page 51, ton visage m’illumine. Le feu qu’allument tes seins gorgés de vie prend possession de mon âme. Et ton ventre hospitalier, oreiller de mille têtes inconnues m’envoûte… Femme noire, femme brune, tu es seule et partout.»

L’ancien recteur de l’Université Gaston Berger, dans ce recueil, n’hésite pas à prendre des positions radicales qui tranchent d’avec nos habitudes quotidiennes. Il s’érige en avocat des femmes, les incite à la limite, à la révolte. Son plaidoyer est simplement surprenant, dans une société comme la nôtre où certaines vérités semblent absolues. Il remet en cause leur soumission, de manière catégorique. «Comment se fait-il que vous preniez un autre nom, fût-il celui d’un mari ?» «Femme, tu as choisi de n’être que ton mari.» «Tu n’es que son ombre.» «Femme, je hais ta servitude.» «Tu dois être.» Le poète dénonce également la politique des Ong qui, selon lui, se sucrent sur le dos des Africains, en pervertissant leurs mœurs.

L’enfant de Bango n’a pas non plus oublié son univers : l’Enseignement. Là, il réapparait sous les habits qu’on lui connaît. Avec le même franc-parler, il crache ses vérités dans «Les ignorants» (P. 64) : «Notre université est blessée, les maîtres apeurés. Les élèves assassinent le symbole déjà enterré. Les ténèbres avec fracas retrouvent une terre ternie. Pauvres sont ces bambins qui brûlent les figuiers. Ils n’auront de refuge que la termitière avec les fourmis». Très provocateur, il enchaîne avec «L’idiot» :«J’ai vu les routes barrées, J’ai humé la fumée suffocante des pneus brûlés, J’ai tendu l’oreille et entendu l’atroce cri de l’ignorance, Qu’ils sont impardonnables ces syndicalistes, ces contestataires.» Du Mary Teuw tout cru : Hélène, rationnel et pragmatique, tout comme nègre, émotif et affectueux.

MOR AMAR (STAGIAIRE)

IGFM

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