Cheikh Bamba Dièye : «Un Etat doit éviter de céder à l’émotion et une prise de décision hâtive»

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Cheikh Bamba Dièye n’est pas convaincu par les décisions annoncées par le chef de l’Etat lors de son message à la Nation du 11 mai dernier. Le Secrétaire général du Fsd/Bj trouve «paradoxal» l’assouplissement des restrictions alors que la flèche des cas positifs et les morts liés au covid-19 montent. Le député de l’opposition estime également que «le souci de sauver l’année scolaire ne doit pas pousser à mettre en danger les élèves et les enseignants»
Le chef de l’Etat a décidé d’alléger les mesures de restriction prises dans le cadre de la lutte contre le Covid19. Quelle appréciation en faites-vous ?
L’inquiétude est le sentiment le mieux partagé après avoir écouté Monsieur le président de la République. Ce relâchement ne s’explique pas, surtout au moment où les cas augmentent chaque jour. Comment comprendre, avec une dizaine de cas, que des mesures drastiques soient prises et maintenant que nous touchons les 2000 cas, on veuille lever le pied. C’est Paradoxal ! C’est bien de prendre des mesures, certaines sont même très opportunes, mais il faut toujours, en de pareilles circonstances, en mesurer la portée, les conséquences et incidences sur le quotidien des populations mais aussi et surtout sur l’équilibre et la stabilité du pays. Demander aux commerçants de n’ouvrir les commerces que deux jours par semaine alors que le loyer, le fournisseur et la famille l’attendent n’était pas très avisé. De même, refuser, sans base scientifique ou sanitaire, le rapatriement des corps des Sénégalais morts à l’étranger me paraissait hasardeux. Heureu sement que ce tort est maintenant corrigé. Un Etat doit éviter de céder à l’émotion et une prise de décision hâtive. Quelles que soient les circonstances, il faut rester logique et cohérent dans sa démarche pour ne pas rajouter à la psychose des populations. Maintenant que les dés semblent jetés, redoublons de responsabilité, restons prudents et respectons les gestes qui sauvent. Prions aussi pour que ces dernières mesures ne laissent libre champ au virus.
Pensez-vous que le président de la République aurait dû consulter à nouveau l’opposition et les autres forces vives de la Nation avant de prendre ces mesures d’allègement ?
Je n’en vois pas l’utilité. Les gens s’étaient retrouvés autour de l’essentiel avec un consensus et une forte synergie pour la lutte contre la pandémie. L’opposition, comme les syndicats et la Société civile, ont tous fait part de leurs propositions et préoccupations. Il appartient donc au chef de l’Etat et à son équipe de dérouler. L’heure n’est plus aux conciliabules mais à l’action.
Pensez-vous que le gouvernement a les moyens actuellement de lutter efficacement contre la pandémie ?
Les moyens, c’est d’abord les ressources humaines et nous en avons de qualité. C’est l’occasion de rendre hommage à tous ces hommes et femmes qui sont au front pour vaincre ce virus. Il faut les doter de matériels et de logistiques pour que la mission soit une réussite. On doit leur trouver les ressources nécessaires pour ce combat. C’est là la première des priorités. Qui peut le plus, peut le moins. L’Etat du Sénégal s’est toujours montré très capable pour trouver de l’argent. A ce niveau, il faudrait aussi l’implication active des populations car la bataille est aussi communautaire. Enfin, une bonne communication aiderait à parfaire le dispositif.
Comment appréciez-vous ce qui a été fait jusque-là dans le cadre de l’achat et la distribution des denrées alimentaires destinées aux populations vulnérables ?
Aider nos compatriotes qui souffrent des mesures de restriction liées à la gestion de la pandémie est une nécessité. La méthode choisie ne me convient pas parce que j’aurais utilisé les services de transfert d’argent. C’est plus rapide, plus fiable et plus transparent. Qu’à cela ne tienne, ce n’est pas le plus important. Il ne faut surtout pas se tromper de cible ou déplacer les urgences. C’est toujours louable d’accompagner des ménages vulnérables mais le tout dans les règles de l’art. Il ne faudrait pas qu’en voulant régler un problème qu’on en crée d’autres. La transparence doit être de mise pour que l’après corona ne soit pas lourd de quiproquos inutiles.
Etes-vous de ceux qui pensent que Mansour Faye devrait démissionner après la polémique née de l’attribution des marchés de l’achat et du transport des denrées alimentaires ?
A mon avis, l’urgence est à la gestion du covid-19, et ce n’est pas moi qu’il faut interpeller. La démission est une responsabilité individuelle. Je ne suis pas le bon interlocuteur. Je vous rappelle que nous sommes au Sénégal où il n’y a pas de culture de démission. Des motifs de démission n’ont jamais manqué. Malheureusement, l’impression que nous avons est que plus votre faute est grande, mieux on vous apprécie et plus on assure votre promotion.
Les élèves des classes d’examen retournent à l’école le 2 juin prochain. Est-ce, selon vous, une bonne idée ?
Si les conditions de reprise sont assurées, il n’y a pas de problème. Il faudrait des garanties pour la sécurité de nos enfants et de leurs maîtres et professeurs. Le souci de sauver l’année scolaire ne doit pas pousser à mettre en danger élèves et enseignants. Entre les études et la santé, le choix est vite fait.

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