La polygamie est une cause de divorces sous nos cieux. Les femmes qui l’acceptent peuvent être comptées au bout des doigts. C’est une acceptation à leur cœur défendant. Toutefois, il y a depuis quelques années, celles qui préfèrent être dans un couple polygame. Fatima Sow (nom d’emprunt) madame Ndao, âgée de 34 ans, cadre d’une banque de la place a jeté son dévolu sur un homme déjà dans les liens du mariage.
‘’Durant mon premier mariage, j’étais l’unique épouse de mon mari. J’ai divorcé. Maintenant je suis la deuxième femme. Je l’assume pleinement. Je n’ai pas regretté et je remercie Dieu d’avoir mis sur mon chemin un homme polygame.’’, confie telle avec une joie immense qui se lit au visage.
Cette position lui confère des avantages qui ont pour nom : la liberté, la diminution de la charge de travail. Celle-ci qui ne s’imaginait pas être une deuxième femme ne se plaint pas de son nouveau statut.
‘’ Je n’aurai jamais imaginé être une deuxième femme de ma vie. Mais pour dire vrai, le statut de deuxième femme, c’est tout moi. J’avoue qu’il y a un grand changement, une grande différence par rapport à la vie que je menais avant. J’ai un mari qui vit à l’étranger et je ne cohabite pas avec ma coépouse. Je n’ai pas de pression même quand mon mari est au Sénégal’’, rapporte-t-elle.
Dans ce couple polygame, elle a le temps de prendre soins d’elle, de faire son travail convenablement et même le luxe de faire du sport.
Dans sa narration, elle se laisse aller à des plaisanteries. Elle supplie au « Awo » ( première femmes en wolof) d’accepter d’accueillir la « Ngnarel » ( deuxième femme en Wolof).
‘’A vous les femmes qui refusent de partager vos maris, soyez raisonnables. Les hommes sont très rares, presque en voie de disparition et de nombreuses jeunes filles attendent les bagues au doigt. Ne soyez pas avares. La demande est forte. Donnez une chance aux autres. Ainsi vous aurez du temps pour s’occuper de vous et je vous informe que la polygamie est à la mode’’, lance telle en toute décontraction.
Comparant sa vie de première femme et celle d’aujourd’hui en tant que seconde épouse, la jeune travailleuse raconte sa mésaventure.
‘’ Vous savez, ce n’’est pas du tout facile d’allier le travail et le ménage surtout quand on est une femme active. Si on est secondé ça pourrait soulager un peu. Vivre un ménage monogame, c’est la pire expérience que j’ai vécue de ma vie’’, soutient-elle.
Madame Ndao a de mauvais souvenirs au sein du couple monogame. Elle était sous pression. Elle n’avait jamais eu le temps de boucler son travail à la maison. A la descente, il faut préparer le dîner sans compter les autres tâches.
Comme Fatimata, Aïcha Samb (nom d’emprunt), une jeune journaliste qui évolue dans une rédaction très réputée se dévoile comme une seconde épouse. Mais ici, il ne s’agit pas d’une question de choix, mais d’amour. A la vérité, Aïcha est tombée sous le charme d’un professionnel des médias déjà marié. Elle accepte de gré d’être seconde épouse. Au micro de Seneweb, elle partage son expérience de deuxième épouse.
‘’Je vis très bien mon statut de deuxième femme et ça m’arrange beaucoup. En tant que journaliste, ça me permet d’avoir du temps pour m’occuper de moi-même. Quand monsieur n’est pas chez-moi, je profite du temps libre pour me reposer ou me concentrer sur la machine pour travailler parce que là j’ai moins de tâches à effectuer contrairement à quand il est à la maison ’’, argumente-t-elle.
En ce qui concerne sa relation avec son épouse, Aïcha fait part que tout se passe bien. La jeune journaliste n’approuve pas les conflits entre coépouses. Selon elle, on ne doit pas s’inviter dans un ménage pour perturber ou semer le désordre. Les mentalités ont évolué. Des changements s’imposent.
Après avoir transformé un mariage monogame en polygame, Aïcha ne compte pas ouvrir ses portes pour accueillir une troisième.
‘’Pas de troisième! Je n’en veux pas. Ça suffit. J’ai fermé la porte’’, tranche-t-elle avec fermeté.
Et pourtant elle a reconnu qu’il est difficile d’échapper à la polygamie de nos jours parce qu’il y a une forte demande de femmes célibataires qui attendent dans les rangs. Au regard de son argument, refuser d’accueillir une troisième ne serait-il pas une contradiction ?
Du reste, certaines femmes instruites plébiscitent la polygamie parce qu’elle est à la mode. Elles aspirent à plus d’indépendance et de liberté. De nos jours, des hommes se soumettent à ce régime matrimonial par obligation.
C’est le cas de Abdoulaye Diaw, médecin dans une clinique à Dakar plateau. Originaire de Ourossoagui dans le département de Matam, ce professionnel de la sante voit la polygamie comme une nécessité dans bien des cas.
‘’Bon pour mon cas, la polygamie est une nécessité. Imagine je suis l’unique fils de mes parents. Mes grandes sœurs ont quitté la maison familiale au Fouta pour rejoindre toutes leurs maisons conjugales. Mes parents sont malades et c’est ma femme qui vit avec eux au Fouta et la distance Fouta-Dakar c’est loin. Elle est dans l’impossibilité de se déplacer parce que c’est elle qui s’occupe de la maison. Et moi qui vit seul ici à Dakar dans mon appartement, je suis véhiculé, mais je peux rester deux à trois week-ends sans aller rendre visite à ma femme au Fouta. Il y a parfois des urgences et des imprévus’’, narre-t-il.
Au regard des urgences et des événements imprévisibles, Docteur Diaw a décidé de convoler en secondes noces.
‘’J’ai épousé une seconde femme pas parce que c’est à la mode, mais jetais dans l’obligation. C’était une nécessité pour moi. Ma vie était difficile voire compliquée à Dakar. Et étant homme j’ai des besoins personnels à exprimer et je ne veux pas tromper ma femme encore moins commettre un pêché. C’est pourquoi j’en ai pris une deuxième. Là, au moins à ma descente, je vois quelqu’une à mes côtés pour me faire du café, prendre soin de moi après une journée de labeur ’’, témoigne la blouse blanche.
Dr Diaw n’a pas de difficultés à gérer ses deux dames. Un coup de chance, les deux épouses s’entendent bien. Et, lui joue le jeu en remplissant son rôle d’homme polygame.
‘’Heureusement que ma deuxième épouse s’entend très bien avec la première. D’ailleurs, quand je pars voir la première et mes parents au Fouta , c’est elle qui exige de venir avec moi et on part tous les 15 jours en week-end . Elle me rassure sur ce point. Elle promet même d’aller rester avec mes parents durant ces jours de congés pour permettre à la première d’être avec moi’’, partage le médecin.
Partageant une anecdote de sa demande de mariage avec sa seconde épouse, le médecin se dit surpris de la réaction de celle-ci qui se dit prête à s’engager sans crainte.
‘’Lorsque je lui ai annoncé que je voulais la prendre comme une seconde épouse, sa réponse m’a surpris parce qu’elle m’a dit carrément qu’elle est prête à s’engager et à vivre à mes côtés pour le pire et pour le meilleur. Elle m’a aussi fait la promesse de ne pas créer des perturbations dans notre ménage. Et ça me rassure. Je me rends compte que les mentalités ont beaucoup changé. Auparavant les femmes s’opposaient à la polygamie’’, raconte le médecin.
Pourtant, en 8 ans de mariage, il n’avait jamais pensé être polygame. Il était dans une obligation d’autant plus que sa première femme est enviable et respectable.
Autre alibi qui a encouragé docteur Diaw à demander la main d’une autre femme, c’est l’infertilité de sa première épouse. Suite à une intervention chirurgicale après sa première grossesse, la pauvre ne peut plus procréer.
‘’Je ne voulais pas rentrer dans les détails, mais l’autre motif qui m’a poussé dans la polygamie, c’est que ma femme a un seul enfant. Une mignonne fille que j’adore. Malheureusement, depuis elle ne peut plus donner naissance. Et je veux tellement avoir un héritier. Beaucoup de personnes m’ont conseillé de prendre une seconde épouse. Chose que j’ai acceptée », dit-il.
Toutefois, même si la polygamie est en vogue dans la société sénégalaise, il faut préciser que la mentalité de certaines femmes n’a jamais évolué. Elles sont fermes et ne badinent pas avec cette pratique.
Khadija (nom d’emprunt), une jeune femme de 20 ans étudiante et femme entrepreneuse n’accepte pas la polygamie. Elle a ses arguments qu’elle partage : « La polygamie comporte plusieurs inconvénients. Citons déjà l’infidélité et le traumatisme des femmes après la découverte que son époux partait voir sa bien-aimée en tant que copine ou maîtresse, ce qui est considéré comme trahison. Nous avons aussi le mari “irresponsable”. Oui irresponsable! Car il y a des hommes, ils ne savent pas bien gérer leur foyer en tant que polygame sans que l’on remarque son penchant pour l’un des épouses. Ils montrent sans remords leur préférence. Ils ne traitent pas de manière équitable leurs épouses » se désole-t-elle.
Khadija insiste sur les inconvénients de la polygamie avec un focus sur le maraboutage. Khadija estime que la première est toujours la grande perdante car c’est elle qui était là quand ce n’était pas certain. En définitive, la deuxième est là pour tirer profit des dividendes des années de galère. A cela, elle ajoute les pratiques mystiques pouvant empoisonner les couples.
«Avez-vous oublié les maraboutages qui n’en finissent jamais. Ah oui! La jalousie pousse les femmes à solliciter les services d’un marabout. Elles sont prêtes à tout pour assoiffer leur faim de faire souffrir leurs coépouses en passant par rendre les enfants de cette dernière fous, malades ou même en les tuant mystiquement », évoque Khadija.
Cette jeune dame a aussi évoqué l’aspect sanitaire qui est un énorme problème pour elle.
« Un phénomène qui se répète presque quotidiennement dans les hôpitaux auprès des gynécologues “ les maladies sexuellement transmissibles “. Mes chères dames, c’est l’homme qui part à la chasse. Il amène alors le virus, c’est lui le seul facteur qui va vous le transmettre. On ne cessera point de voir ces femmes avec des maladies transmises sexuellement », avance la dame.
Pour rappel, en avril 2022, la Commission onusienne des droits humains estime que les mariages polygames constituent une discrimination vis-à-vis des femmes et réclame leur interdiction. Mais la polygamie est devenue une tendance chez les jeunes femmes sénégalaises, surtout celles qui évoluent, dans le monde du travail.