Un camp de l’armée malienne a été visé par une attaque suicide à Gao vendredi, au lendemain d’une double attaque imputée aux jihadistes qui a tué au moins 64 civils et soldats dans le nord, où la tension monte de jour en jour.
L’armée a parlé dans un bref message sur les réseaux sociaux d’une attaque « complexe » dans la zone aéroportuaire, ce qui signifie qu’elle a impliqué différents moyens. Elle n’a pas fourni de bilan, se contentant de dire que « riposte et évaluation (étaient) en cours ». Très peu de détails sont disponibles.
Un employé de l’aéroport joint par l’AFP a fait état d’une attaque menée à l’aide de deux véhicules piégés, accompagnés de tirs. L’aéroport a été fermé, a-t-il dit. Cette attaque survient dans un contexte de pression grandissante de la part des groupes armés sur l’Etat dans le nord depuis quelques semaines, faisant redouter une éruption de violence.
Au moins 64 personnes, dont 49 civils et 15 soldats, ont été tuées jeudi entre Gao et Tombouctou. Les deux attaques distinctes attribuées aux jihadistes ont visé le bateau Tombouctou sur le fleuve Niger et une position de l’armée à Bamba, dans la région de Gao, selon un communiqué du gouvernement qui ne précise pas combien de personnes sont mortes respectivement sur le navire et dans la base militaire.
L’attaque de Bamba a été revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM ou Jnim selon l’acronyme arabe), alliance jihadiste affiliée à Al-Qaïda, sur la plateforme de propagande Al-Zallaqa, selon SITE, ONG américaine spécialisée dans le suivi des groupes radicaux. La riposte de l’armée a permis de « neutraliser une cinquantaine de terroristes », a dit le gouvernement.
Les autorités ont décrété trois jours de deuil national à partir de vendredi. Le Tombouctou, bateau de la compagnie malienne de navigation (Comanav, publique), a été visé par au moins trois roquettes dans le secteur de Gourma-Rharous, entre Tombouctou et Gao, selon la compagnie qui assure avec quelques bâtiments une importante liaison sur plusieurs centaines de kilomètres de Koulikoro, près de Bamako, jusqu’à Gao, en passant par les grandes villes sur le fleuve.
Plusieurs passagers se sont jetés à l’eau dès les premiers tirs, a indiqué un responsable de la Comanav. Le Tombouctou peut transporter environ 300 passagers, ont précisé des agents de la Compagnie sous le couvert de l’anonymat sans se prononcer sur le nombre de personnes effectivement à bord.
Des soldats se trouvaient à bord en guise d’escorte, dans le contexte de menace sécuritaire qui règne dans la région, a déclaré un responsable militaire sous le couvert de l’anonymat.
– « Blocus » –
Un bateau avait déjà été attaqué à la roquette le 1er septembre dans la région de Mopti, plus au sud, faisant un mort, un enfant de 12 ans, et deux blessés. La liaison fluviale était utilisée par différents usagers, commerçants ou familles, et paraissait plus sûre à beaucoup que la route, a déclaré un agent de la Comanav.
Le GSIM a annoncé, début août, imposer un blocus à Tombouctou, dans un contexte de reconfiguration sécuritaire en cours autour de « la ville aux 333 saints » inscrite au patrimoine de l’humanité.
La mission de l’ONU (Minusma), poussée à partir du Mali par la junte au pouvoir, vient de quitter deux camps proches de Tombouctou, Ber et Goundam, transférés aux autorités maliennes. Cette prise de contrôle par l’Etat malien a donné lieu à des combats avec les jihadistes, mais aussi des accrochages avec les ex-rebelles touareg. Tombouctou, avec ses quelques dizaines de milliers d’habitants aux confins du Sahara, est l’une des grandes villes du nord tombées entre les mains de rebelles touareg, puis de salafistes après le déclenchement de l’insurrection de 2012.
Les forces françaises et maliennes ont repris la ville en 2013. Les groupes à dominante touareg ont signé un accord de paix avec l’Etat malien en 2015 tandis que les jihadistes continuaient les hostilités. La violence s’est propagée au centre et au Burkina Faso et au Niger voisins, faisant des milliers de morts. Des militaires ont pris le pouvoir par la force tour à tour dans les trois pays depuis 2020 en invoquant la crise sécuritaire.
Les tensions récentes dans le nord du Mali font craindre pour la survie de l’accord de 2015, et redouter une reprise des hostilités. Les militaires maliens ont poussé vers la sortie la force antijihadiste française en 2022 et la mission de l’ONU en 2023, et se sont tournés militairement et politiquement vers la Russie.
Ils ont fait du rétablissement de la souveraineté l’un de leurs mantras. Mais de vastes étendues continuent d’échapper à leur contrôle et différents experts estiment que la situation sécuritaire s’est encore dégradée sous leur direction.