J’ai essayé de me soumettre à un exercice intellectuel difficile. Quels sont les trois mots qui caractérisent le plus ma pensée, mon itinéraire et ma vision politiques. J’ai fini par prendre trois mots qui fortuitement commencent tous par la même lettre P:
Patriotisme, Progrès, Paix.
Donc je peux dire que ma pensée, mon itinéraire et ma vision politiques se résument en 3 P!
Je commence ce matin à expliquer de manière concise le premier mot le Patriotisme.
Très jeune je suis arrivé à l’intime conviction que ce sont les africains en Afrique qui construiront l’Afrique. La Diaspora a un rôle, certes important, mais c’est un rôle de soutien et d’accompagnement.
La construction de notre pays, de l’Afrique, se fait, ici et maintenant, sur le Continent. Elle se fait à travers la bataille pour l’émancipation du Continent qui passe par l’engagement patriotique à servir son pays, la lutte pour l’égalité, pour l’équité, pour la transparence, pour la justice dans tous ses aspects, pour la démocratie, pour l’État de Droit, contre la corruption , le népotisme, la concussion, la construction d’une économie nationale solide capable de subvenir aux besoins des populations, le renforcement des liens de solidarité entre les individus et toutes les communautés constitutives de nos sociétés, un partage équitable des ressources entre les populations et les territoires, le développement d’une éducation citoyenne de toute la population. L’investissement humain volontaire est pour nos pays un moyen de bâtir des raccourcis pour notre développement, il passe évidemment par une culture patriotique de notre jeunesse à servir son pays.
Le patriotisme bannit le nationalisme étroit car aucun pays ne peut bâtir le bien être de ses populations en se fermant sur lui-même. Le Cambodge de Pol Pot a conduit au génocide du peuple cambodgien. Il nous faut bâtir des relations mutuellement avantageuses avec tous les pays qui le souhaitent.
Jeune j’étais solidaire des luttes de libération en Afrique et dans le Monde. Jeune j’étais ouvert d’esprit. Lecteur assidu de Senghor, Cheikh Anta Diop, Cheikh Amidou Kane, Ousmane Socé Diop, Birago Diop, David Diop, Camara Laye, Djibril Tamsir Niane, Karl Marx, Lenine, Mao, Jean D’Ormesson, Machiavel, Gramsci, Dostoiski, Tolstoï, Pouchkine, Loui Aragon, Maikovski, Miguel Angel de Asturias, Miguel de Unamuno, Sembène Ousmane, Steinbeck, Borges, Faulkner, André Malraux, Flaubert, Rousseau, Voltaire, Balzac, Victor Hugo, Lamartine, Baudelaire, Paul Éluard, pour ne citer que ceux qui me viennent à l’esprit en cette fin de nuit!
J’ai eu la chance d’avoir eu des maîtres, des professeurs qui ne m’ont pas mis des œillères, qui m’ont poussé à lire pour me forger l’esprit, les idées, pour percevoir les différentes et subtiles manières d’aimer son pays, de sentir, même dans ceux qui ont choisi un mauvais chemin, les actes qui relèvent d’un amour de leur patrie, de leur pays.
J’ai compris, très tôt, en classe préparatoire de mathématique supérieure au Lycée Pothier d’Orléans, jeune adhérent du PAI clandestin, que nous n’avions pas le monopole du patriotisme, que le patriotisme n’appartenait pas seulement à nous de l’opposition d’alors mais que mêmes les partisans du pouvoir d’alors pouvaient aussi être des patriotes qu’il fallait traiter avec respect et humilité.
Ma formation politique est autodidacte. Je n’ai suivi aucune école de Parti, je ne suis allé dans aucun pays étranger me former politiquement ce que j’abhorre d’ailleurs. Le PAI clandestin d’alors était un Parti communiste mais nous étions fondamentalement musulmans et africains. Nous arrêtions nos réunions pour prier. Nous savions distinguer l’esprit et la lettre. Nous n’avons jamais versé dans le fanatisme d’un chef fut-il Seydou Cissokho qui avait détérioré sa santé dans les conditions difficiles alors de la clandestinité pour préserver le PAI clandestin sur le territoire national, ou Sadio Kamara un des leaders de cette tentative d’insurrection armée au Sénégal oriental, ou même Amath Dansokho et tant d’autres. Je vois malheureusement aujourd’hui beaucoup de jeunes dans les partis politiques, de la majorité comme de l’opposition, réduits à être les griots de leaders politiques, je voulais dire de chefs de tribus politiques. Ils sont souvent suffisants, incultes et même arrogants.
Aujourd’hui je reste convaincu que le patriotisme passe par l’éducation, la culture, l’ouverture d’esprit, l’humilité, le bannissement du sectarisme, la confiance en soi et une démarche éclairée de diffusion de ses idées par des actes qui rassemblent.
Le patriotisme, c’est aussi la pédagogie par l’exemple. Le patriotisme ne se décrète pas, il est une manière de vivre sa vie de tous les jours.
Enfin, je suis convaincu que le patriotisme est incompatible avec la haine et le rejet primaires de l’autre.
Car le patriotisme doit être en fin de compte un humanisme.
Unis et engagés, nous vaincrons
Dakar le 30 septembre 2021
Mary Teuw Niane