« JEAN-MEÏSSA DIOP, CE QUE TU M’AS APPRIS… » (Par Habib Demba Fall)

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JEAN-MEÏSSA DIOP, CE QUE TU M’AS APPRIS…
Tout commence en une après-midi de juillet 1995. En cet hivernage béni, alors que le Sénégal venait de franchir le pas de la diversité des titres quotidiens, jeune étudiant au CESTI, j’ai choisi de faire un stage à Wal Fadjri avec Abdou Karim Diarra, Alassane Cissé, Alassane Samba Diop, Mamadou Alpha Diallo, Aboubacry Bâ, Issa Touré. Le matin, en compagnie de quelques condisciples, j’avais déjà rencontré Tidiane Kassé alors Rédacteur en Chef de Wal Fadjri pour les affectations aux différents services. A l’époque, le journal avait ses locaux à Sacré-Coeur, chez le défunt Sidy Lamine Niasse. Nous avions juste prévu de prendre contact avec les responsables du journal en fin de matinée et d’avoir l’après-midi à nous, pour déjeuner et prendre « les trois normaux ». Surtout qu’il y en avait un qui préparait très bien le thé. Nous avons reçu une première leçon : obligation de disponibilité. Et nous sommes restés pour l’après-midi !
Tout commence par un papier imprimé. Sans un mot. Jean-Meïssa Diop venait de me le tendre. Que faire de ce papier ? Je ne savais pas trop. Je m’en ouvre à Abou Abel Thiam. Silence également de son côté. Juste un signe qui me désigne le téléphone fixe sur la table. J’ai eu une fraction de seconde pour réfléchir. Et j’ai compris qu’il fallait faire quelque chose. Qu’il fallait appeler au numéro sur l’invitation. J’ai eu au bout du fil un monsieur enthousiasmé par mon initiative. J’ai pris rendez-vous pour échanger sur le sens et les enjeux attachés à l’organisation de « Miss Cabo Verde du Sénégal ». Interview au centre-ville le lendemain avec le promoteur culturel Mix Texeira. Premier article le surlendemain. Deuxième article dans la foulée sur une session plénière à l’Assemblée nationale. Premier magazine au bout de deux semaines. Je me faisais la main. Plus tard, journaliste reporter, j’ai compris, au fil d’un de nos rituels du balcon le soir lorsque la pression du deadline chutait, qu’il était adepte de ce qu’il appelait « la pédagogie de la piscine ». Le maître te laisse plonger, apprendre à nager et n’est jamais loin pour porter secours au cas où…
C’était que ça ? Non, pas si simple que ça, je vous dis ! Mon premier compte-rendu a fait l’objet d’une « audience » assez spéciale avec le maître de stage. La précision dans les mots, la concision, la primauté des faits et leur exactitude, le style… J’ai très vite adhéré au style d’un orfèvre du mot doublé d’un inconditionnel des faits. Plus tard, l’ordinateur est devenu un outil ordinaire. Avant, c’était le « beefsteak », ce papier pour impression modelé en format A4 pour servir de support d’écriture des articles. L’opérateur de saisie s’attelait à la reproduction du texte brut. Ensuite, le chef de service convie tout le monde à l’exercice de vérité : publiable ou non ? Et à cet exercice, Jean-Meïssa Diop m’a beaucoup donné ! D’abord l’habitude de lire l’actualité en développant des angles de traitement originaux.
J’ai vécu une saison fleurie de mes premières lignes dans la presse quotidienne. J’apprenais les techniques du journalisme Au CESTI. L’école de cette grande rédaction de l’époque m’a enseigné le passage à la réalité de la collecte et du traitement de l’information. J’avais la chaise à ses côtés le temps de faire la revue du texte à publier. Et, surtout, il avait choisi de m’éprouver à la tâche pour me faire franchir un cap. J’étais quasiment son « enfant » comme aimait à chahuter une connaissance. Il avait, un soir, donné cette réponse à Aliou Sall qui plaidait un répit pour moi qui rentrais dans un quartier assez éloigné de la Rédaction : « Ce garçon, je ne veux pas le laisser chômer ». Ne pas « chômer » renvoyait à cette vérité connue : « c’est en forgeant qu’on devient forgeron ». Il m’a donné envie de revenir. Et à l’entame de ma dernière année au CESTI, il m’a fait une confidence : « A la fin de ta formation, je voudrais que tu rejoignes Walf ». Jean, pardonne-moi de dire ce qui était un secret à l’époque. Preuve de générosité.
Lorsque j’ai intégré la rédaction comme journaliste permanent à la fin de mes études et après une intermède au journal « Le Matin », il a été mon chef de service. L’image qui m’est restée est celle d’un patron toujours sur son ordinateur. A la fin, avec l’humour que tous lui connaissent, il disait : « sournée bi moom diekhna » (nous sommes arrivés au bout de cette journée de travail ». Non, ce n’était pas fini car il embrayait sur le prochain ! Sur ce pont, nous avons toujours eu de grandes discussions professionnelles sur les sujets, la manière de les aborder, l’écriture journalistique et, surtout, le livre ! J’ai été ravi de lire une note de lecture consacrée au roman « Le cavalier et son ombre » de Boubacar Boris Diop. Un avis est gravé dans ma mémoire : « Boris est un metteur en scène ». Il connaissait mes relations avec cet auteur majeur. Je n’ai pas été surpris qu’il ait produit un livre !
J’ai dévoré chaque texte de « Jean » comme une pièce du maître qu’il est pour toujours, articles d’information comme chroniques. Une grande affection nous liait au-delà de mon départ. Ce jour-là, j’ai déjeuné chez lui. Il a été d’une égale sollicitude à mon égard lorsque j’ai rejoint « Le Soleil ». Un jour, il m’a demandé un avis professionnel sur deux candidats pour un poste à Walf. C’est dire…
C’est une bénédiction d’avoir eu Jean-Meïssa Diop sur mon chemin. C’est une douleur de le voir quitter ce monde. C’est une fierté de le voir rester dans les mémoires comme un monument de professionnalisme et de bonté dans le grand livre du journalisme. De la vie, tout simplement.
A Dieu « Grand Jean! »
Que Dieu te réserve le Paradis pour l’Éternité.
HDF

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