Après la génération de femmes battantes qui ont su résister aux assauts des maures en 1820, au point de préférer la mort à la captivité, le Walo a su compter sur d’autres figures féminines pour son développement. Enfant au moment des faits, Ndaté Yalla a été parmi les rescapés qui dirigeront la destinée du royaume. C’est ainsi qu’elle sera intronisée Reine du Walo, le 1er octobre 1846 à la mort de sa grande sœur Djeumbeut. Elle a exercé le pouvoir comme un véritable Brack en s’appropriant tous les attributs.
C’est ainsi qu’elle fut prise en photo par Abbé David Boilat, le 2 septembre 1850, fumant sa pipe d’honneur, entourée, de plus cinq cents femmes en grande tenue, en face desquelles se trouvaient tous les princes et les guerriers de la Reine.
Ndatté était un chef d’Etat, une résistante, une nationaliste, une mère et une éducatrice.
Ndatté Yalla fumant sa pipe
UN CHEF D’ETAT
Avec Ndatté, on assiste au parachèvement du processus du contrôle du pouvoir initié par les Linguères, dès le 17e siècle. Ainsi, en 1819, dans les accords signés entre le Waalo et les français il ne figurait que des hommes, à partir de 1846, tous les actes officiels portaient le nom de Ndatté Yalla. Elle finit ainsi par reléguer le Brack et les autres dignitaires au second plan.
Parfois les Français ne s’adressaient qu’à Ndatté, et il arrivait que les lettres envoyées au gouverneur ne portent que sa seule signature. Dans une correspondance adressée le 23 mai 1851 à Faidherbe, elle s’exprimait en ces termes : « Le but de cette lettre est de vous faire connaître que l’Ile de Mboyo m’appartient depuis mon grand-père jusqu’à moi. Aujourd’hui, il n’y a personne qui puisse dire que ce pays lui appartient, il est à moi seule ». Ndatté se considérait comme le seul souverain du Royaume du Waalo.
UNE RÉSISTANTE
Son règne sera marqué par une défiance permanente des Français contre lesquels elle a livré une bataille acharnée.
Dès 1847, elle s’opposa au libre passage des Sarakolés qui ravitaillaient l’Isle de St -Louis en bétail et adressa une lettre au gouverneur exprimant sa volonté de défendre le respect de sa souveraineté sur la vallée en ces termes : « c’est nous qui garantissons le passage des troupeaux dans notre pays ; pour cette raison nous en prenons le dixième et nousn’accepterons jamais autre chose que cela. St Louis appartient au Gouverneur, le Cayor au Damel et le Waalo au Brack. Chacun de ces chefs gouverne son pays comme bon lui semble » (Barry, 1985 : 275).
Elle finit par faire prévaloir ses droits sur l’ île de Mboye et sur l’île de Sor (actuelle ville de St Louis) qu’elle affirma n‘avoir jamais vendu à personne. Ndatté continua les pillages autour de St-Louis et n’avait cure des menaces du gouverneur. Elle refusa de rembourser les dommages commis comme le réclamaient les français.
Le 5 novembre 1850 elle interdi t tout commerce dans les marigots de sa dépendance. Avec cette mesure, la guerre deven ait inévitable, car les français voulaient assurer la sécurité de leur commerce dans la vallée du fleuve. Avec l’arrivée de Faidherbe en 1854, le Waalo va être le premier à subir les coups de la politique de conquête du Sénégal. Le 5 février 1855 Faidherbe déclencha la bataille et les troupes du Waalo seront finalement battues le 25 Février 1855 par la puissance technologique de l’ennemi.
Statue de la Linguère Ndatté Yalla à Dagana
Statue de la Linguère Ndatté Yalla à Dagana
UNE MÈRE UNE ÉDUCATRICE
Après sa victoire sur la Reine, Faidherbe emmena son fils Si dya , âgé de dix ans, à Saint-Louis où il sera scolarisé à l’école des otages et sera envoyé plus tard en 1861 , au lycée impérial d’Alger. En 1863, Sid ya demanda à revenir au Sénégal où, il poursuivit pendant quelques mois les cours de l’école des frères. Il fût baptisé et eut pour parrain Faidherbe qui lui donna le prénom de Léon.
En 1865, alors qu’il n’était âgé que de 17 ans, la Colonie lui confia le commandement du canton de NDER. Mais il ne tardera pas à refuser d’être un relais docile de cette administration et finira par la défier. Il va ainsi poursuivre le combat nationaliste initié par sa mère.
Devant une grande assemblée de dignitaires et de son peuple, il sacrifia à la tradition des Brack : Après s’être débarrassé de ses habits européens, il prit le bain rituel dans les eaux du fleuve, se rhabilla en tenue traditionnelle et jura de ne plus jamais parler la langue du colonisateur. Ensuite il se fit faire des tresses de Thiédo (actuels dread locks) à Thianaldé, marquant ainsi le symbole de son appartenance sociale.
En novembre 1869, SIDYA dirigea une insurrection générale contre les français et fit subir de lourdes pertes aux troupes françaises. Mais l’administration coloniale ne cessa de le traquer. Arrivé chez Lat Dior pour la concrétisation d’un front de libération nationale, il fut trahi par ses guerriers qui le livrèrent au Gouverneur Valère à Saint-Louis le 25 décembre 1875. Il sera déporté au Gabon en 1876 où il mourut en 1878 à l’âge de 30 ans.
Les cendres de Sidiya doivent rejoindre celle de sa mère.
POUR ÊTRE SIDIYA, IL FALLAIT AVOIR COMME MÈRE LA REINE NDATTÉ YALA.
Il a fallu une mère admirable pour avoir pu inculquer à un enfant âgé d’à peine 8 ans, les valeurs suprêmes, qui lui ont permis d’opposer aux français une résistance culturelle et militaire. Faidherbe a tenté en vain de le dépouiller de son identité et de sa religion traditionnelle en le nommant Léon et en le faisant baptiser comme un chrétien. Malgré tous ses efforts, il n’a jamais réussi à dompter le fils de Ndatté, profondément enraciné dans la culture des siens, et porteur des valeurs de fierté et de nationalisme défendues par sa mère.