«On va être beaucoup plus agressif dans le dépistage…»

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Coordonnateur du Centre des opérations d’urgence sanitaire (Cous), Dr Abdoulaye Bousso est au cœur du dispositif de lutte contre le Coronavirus du ministère de la Santé. Dans cette interview accordée à L’Observateur, il fait le point sur la situation de la maladie, avec la hausse des cas positifs et des décès.

Docteur, le Sénégal frôle, ce mercredi, la barre des 500 cas de Covid-19. Est-ce qu’il était dans vos prévisions d’atteindre ce cap à ce stade de la pandémie ?

C’était prévisible. Comme je le dis toujours, on ne peut pas préjuger de l’évolution de la pandémie. Si on analyse un peu le nombre de cas que nous avons, on voit que nous avons beaucoup de contacts qui deviennent positifs. On a un fort taux de contacts secondaires. Donc, il était prévisible qu’on ait ce nombre de cas.

Qu’est-ce qui n’a pas marché pour qu’on en arrive à un tel nombre de cas. Est-ce que c’est la prévention qui a fait défaut ou la prise en charge?

Le problème, ce n’est pas ce qui n’a pas marché, les maladies à transmission respiratoire ne sont pas faciles à gérer. C’est difficile à contrôler. La contamination est facile, il y a des cas peu symptomatiques, donc en termes de maîtrise, ce n’est pas une maladie que l’on contrôle facilement. Si on voit aussi son expansion dans le monde, en partant de la Chine pour toucher plus de 200 pays, cela montre que c’est compliqué. Mais ce qui est important et qu’il faut noter, c’est qu’il y a quand même un grand effort qui est fait pour détecter les cas et les prendre en charge. Et sur ce point-là, on voit que la prise en charge est globalement satisfaisante au Sénégal, avec un taux de guérison assez important. On va être beaucoup plus agressif dans le dépistage et la prise en charge. Mais l’augmentation des cas n’a rien à voir avec un échec. Au contraire, je pense que tout le monde se pose des questions par rapport à la gestion de la maladie au Sénégal.

On constate que le nombre de cas répertoriés par jour a beaucoup augmenté. Est-ce parce que vous avez fait évoluer votre stratégie, en augmentant le nombre de tests ?

Nous n’avons pas augmenté le nombre de tests, notre stratégie n’a pas non plus évolué. Nous avons pris la stratégie de tester tous les cas suspects et tous les cas contacts et il se trouve qu’aujourd’hui, nous avons beaucoup plus de cas suspects et de cas contacts. Vous savez quand une maladie comme le Covid-19 arrive, à un certain moment, on a notre définition de la notion de cas qui a évolué. Avant, il y avait surtout la notion de voyage à l’étranger, aujourd’hui si vous voyez le tableau clinique de cette maladie, il est très large. Donc toute personne qui arrive avec un tableau clinique similaire à la maladie est prélevée. La stratégie est restée la même, c’est juste que nous essayons au maximum de cerner tous les contacts, de les prélever rapidement, de les détecter très tôt pour pouvoir les prendre en charge très tôt afin qu’ils ne développent pas d’autres contacts secondaires.

Il y a aussi le fait que le nombre de décès augmente, alors que dans les communiqués du ministère de la Santé, on parle toujours de l’état de santé stable des malades. Comment expliquez-vous cela ?

En fait, c’est le discours médical. Quelqu’un peut être en réanimation, dans un état grave, tout en étant stable dans cet état grave. Mais je crois que cela a été même corrigé. Désormais, on va dire quels sont les malades qui sont en réanimation. Cela permettra aux gens de mieux comprendre. Mais un malade peut être stable et être dans un état grave. C’est un langage médical qui est utilisé, mais que les gens peuvent effectivement ne pas comprendre. Un patient peut être stable dans sa gravité. C’est juste une terminologie médicale.

Avec l’augmentation des cas communautaires et le comportement de certains Sénégalais, peut-on s’attendre au pire ?

Je pense que le comportement des Sénégalais change. Les décès relevés ces dernières 72 heures ont fait tilt dans la tête des gens. Je constate que le port du masque commence à se généraliser. Il y a une prise de conscience. Et c’est important que les Sénégalais prennent conscience de la situation. Ce ne sont pas des mesures médicales qui vont mettre fin à cette maladie, c’est nous-mêmes, les populations, qui pouvons y mettre fin. En tant que professionnels, nous faisons tout ce que nous pouvons pour détecter les malades et les prendre en charge. Mais il n’y a aucune mesure médicale qui peut faire qu’il n’y ait pas de nouvelles contaminations, parce qu’il n’y a pas de traitement prophylactique. Ce sont nos attitudes et nos comportements qui peuvent nous aider. Aujourd’hui, avec le port de masque, s’il y a une discipline vraiment forte, on devrait voir les effets positifs d’ici à deux semaines. Parce que c’est une maladie dont l’évaluation des actions ne se fait que sur une période de 14 jours. On verra d’ici à deux semaines comment les cas évoluent et on devrait constater un impact positif. Si le port de masque dans les lieux publics, les transports et les lieux de rassemblement est respecté, on devrait voir les résultats sur le nombre de cas communautaires. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de cas communautaires entre-temps, parce que certains sont déjà contaminés et vont développer la maladie. Mais normalement, ce sera comme avec les cas importés, au bout de 14 jours, on verra nettement les chiffres diminuer et à un moment donné, on ne devrait plus avoir de cas communautaires, si vraiment l’ensemble des mesures sont respectées. A savoir le port de masque, la distanciation sociale et l’hygiène des mains, ces trois choses doivent obligatoirement aller ensemble.

A ce stade, devrait-on penser au confinement général ?

On y pense, mais il faut d’abord évaluer l’impact de la mesure du port des masques.

On remarque aussi qu’il y a de plus en plus de membres du personnel médical infectés. N’est-ce pas un coup au moral des troupes ?

Il faut savoir qu’il y a deux aspects. On a du personnel médical affecté, et c’est valable un peu partout dans le monde. Mais la majorité de ce personnel ne s’est pas infecté dans les lieux de santé. Ces personnes se sont infectées dans la communauté, parce qu’en tant que médecins, nous sommes dans nos structures médicales, mais aussi dans la communauté. Donc nous avons un personnel de santé qui a été infecté dans la communauté. Dans nos sites de prise en charge, qui sont nos indicateurs, nous n’avons pas un personnel de santé infecté. Aucun personnel de nos 11 sites de traitement n’a été infecté. Maintenant, nous avons eu des membres du personnel qui ont été contaminés dans leur maison ou leur environnement communautaire. Nous avons aussi du personnel médical qui a été contaminé dans l’exercice de ses activités quotidiennes, consultations ou autres.

Est-ce le cas à l’hôpital Principal de Dakar ?

Je n’ai pas connaissance de personnel médical contaminé à l’hôpital Principal. Les cas suspects ont été testés et tous sont négatifs. Ce qui se passe, c’est que quand un malade arrive dans un hôpital, avant qu’on ne détecte que c’est un cas suspect, certains membres du personnel médical vont peut-être vers lui sans protection. Mais lorsque nous faisons nos investigations, nous les considérons comme des cas contacts. Nous ne prenons pas de risques. Et c’est ce qui s’est passé à l’hôpital Principal. Mais il n’y a pas un seul personnel de santé de cet hôpital diagnostiqué positif.

On parle beaucoup de la région de Louga et de Goudiry, où il y a beaucoup de cas suspects. Comment se passent les choses dans ces zones ?

En fait, Goudiry et Louga, c’est un cluster, c’est-à-dire que tous les cas sont liés. C’est une seule personne qui a contaminé tous les autres. Et aujourd’hui, la stratégie qui a été utilisée à Louga et à Goudiry est très bonne. Les contacts sont très vite identifiés et mis en quarantaine, avant de faire les prélèvements. Les malades ont donc été détectés tôt et aujourd’hui, le nombre de cas positifs baisse dans ces zones, parce que les contacts commencent à atteindre les 14 jours. Ce qui veut dire qu’on a pu capter toutes les personnes positives. C’est un peu ce qui s’est passé à Touba également. Pour nous, ce ne sont pas des situations inquiétantes. Tant que les cas positifs sont des cas contacts, le problème est toujours sous contrôle.

ADAMA DIENG

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