TÉMOIGNAGE : GOLBERT DIAGNE, ÉTAIT LE PLUS FIER DES FIERS QUE SAINT-LOUIS A RENDU FIERS!(par le colonel Moumar Gueye)

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J’ai connu Alioune Badara Diagne Golbert en 1968 à Balacoss et à la Chaîne 3 de Radio Sénégal émettant de la pointe Nord à Saint-Louis. Il était jeune journaliste, reporter sportif, animateur d’émissions de jeunesse comme « Saint-Louis midi » et « week-end en musique ». Les génériques de ses émissions étaient très captivants. Il aimait laisser les jeunes qui venaient de tous les quartiers de Saint-Louis, annoncer son entrée au studio A de Radio Saint-Louis. La formule du générique était ainsi libellée: « De l’Afrique à l’Amérique en passant par les îles Caraïbes, voici week-end en musique, une émission de Tony Golbert Diagne! » Le tout s’annonçait sous les cris et applaudissements des privilégiés qui assistaient à l’enregistrement de l’émission qui se faisait le jeudi pour être diffusée le samedi après-midi. Golbert s’intéressait beaucoup à l’émission que j’animais à Radio Saint-Louis, en compagnie de Babacar Fall « Baker » devenu Professeur à l’UCAD et Ahmed Yoro Ndiaye, le vétérinaire à la plume d’or! Cette émission était placée sous l’égide du Foyer artistique culturel et littéraire du Fleuve composé d’élèves des lycées et collèges de Saint-Louis et sous la direction de Taïfour Diop devenu magistrat, Hamidou Dia devenu Professeur et Madièyna Ndiaye devenu Directeur général des NEAS! C’est d’ailleurs à travers notre émission que Golbert avait repéré la belle voix de Gnagna Fall Cissé qu’il a fait recruter à l’ORTS.

Alioune Badara Diagne a toujours refusé d’imiter les Occidentaux dans sa façon de parler et dans ses reportages et animations. Il n’a jamais roulé les « R »! Dans ses animations et reportages sportifs, il adoptait la déontologie des précurseurs Alassane Ndiaye Allou, Ahmed Bachir Kounta et Pathé Fall Dièye! Il n’hésitait pas à passer du Français au Wolof et vice versa. L’important pour lui c’était de se faire comprendre par le plus grand nombre pour passer ses messages. Toutes ses thématiques tournaient autour de Saint- Louis du Sénégal, ses légendes, son histoire, ses valeurs culturelles et sociales. Il ne manquait pas d’assaisonner ses animations et reportages par de succulentes anecdotes et histoires drôles qui forçaient les auditeurs à s’accrocher aux émissions de Golbert. Il respectait et adorait ses parents en particulier sa brave maman Fary Lobé Ndoye. D’ailleurs, il disait souvent ceci: « Si je n’ai pas le droit de dire que ma mère est la meilleure des mères, je me contenterai de dire qu’aucune mère n’est meilleure que ma mère Fary Lobé Ndoye ».

En réalité, Golbert a commencé le théâtre bien avant cette célèbre série qui l’a rendu aussi célèbre à travers le Sénégal. À l’époque, les troupes de théâtre existaient dans la quasi-totalité des quartiers de Saint-Louis. C’est ce qui a fait que Golbert avait le théâtre dans le sang bien avant la tragi-comédie Baara yëgóo du talentueux Daouda Guissé qui nous a offert ce merveilleux téléfilm qui restera à jamais gravé dans les mémoires et dans l’histoire récente de Saint-Louis du Sénégal.

Golbert savait incarner intégralement les rôles qui lui étaient confiés. Dans Baara Yëgóo, il savait si bien malmener sa « première épouse » en la personne de Mame Sèye Diop, qu’un jour au marché de Saint-Louis, il a été violemment agressé par une femme qui lui en voulait à mort. Cette brave dame en colère n’avait pas su faire la différence entre théâtre et réalité. Mais malgré cet incident, Golbert est resté serein et souriant. Il n’a jamais riposté aux coups et injures de cette bonne dame.

Alioune B. Golbert s’est toujours considéré comme le plus Saint-louisien des saint-louisiens. Il ne pouvait pas admettre qu’un autre Saint-Louisien soit plus Saint-louisien que lui. Il répondait parfaitement aux propos du Duc de Lauzun premier Gouverneur du Sénégal nommé par le Roi de France en 1779: « L’île de Saint-Louis est un amas de sable qui ne produit rien de bon. Il n’y vient ni arbres, ni plantes, ni légumes d’aucune espèce. Ce lieu quoique brûlant et d’un climat malsain, est regardé dans toute l’Afrique comme un lieu de délices. Ses habitants l’aiment avec fureur, n’imaginant pas d’autre bonheur que d’y vivre, quoiqu’il soit bien rare de n’y point mourir jeune ».
En effet, Golbert aimait Saint-Louis avec fureur! C’est d’ailleurs un dénominateur commun valable pour tous les Saint-Louisiens d’origine, de naissance ou d’adoption! C’est la volonté de Maam Kumba Bang, le génie protecteur de cette ville majestueusement taillée dans les eaux du fleuve Sénégal et de l’Océan Atlantique. Cette ville créatrice du ceeb u jén, ce plat « délicieux comme un rêve » et que Golbert Diagne aimait partager avec ses amis.

Golbert n’aimait pas entendre quelqu’un appeler les Saint-Louisiens « Ndar Ndar ». Selon lui, les Saint-Louisiens authentiques on les appelle: « Doomu Ndar ». En effet, par définition, le « Doomu Ndar » est le fils ou la fille de toute la société Saint-Louisienne. Et cette société s’arroge le privilège, le droit et le devoir de l’éduquer et d’encadrer ses enfants conformément aux valeurs ancestrales de la « vieille ville française, centre d’élégance et de bon goût sénégalais ». En résumé, Golbert Diagne était le plus fier parmi les fiers que Saint-Louis a rendu fier!

Golbert n’était pas un militant politique. Certes il collaborait avec les politiques, mais il était surtout un militant intégral et exclusif de la ville de Saint-Louis. Son agenda immuable et imperturbable était la sauvegarde des intérêts de la ville de Saint-Louis et des Saint-Louisiens.
Je l’ai dit plus haut, Golbert aimait Saint-Louis avec fureur! En 2004, le Président Abdoulaye Wade m’avait accordé une audience pour me permettre de lui présenter mon livre intitulé: « Itinéraire d’un Saint-Louisien, la vieille ville française à l’aube des indépendances » (Éditions l’Harmattan 2004). Ce livre a été préfacé par Alioune Badara Diagne

Golbert. Je devais être accompagné par le Maire de Saint-Louis Ousmane Masseck Ndiaye, le Président Alioune Badara Bèye, mon ami et frère Collot Diakhaté, Golbert Diagne, le préfacier, mon ami Baye Moumar Guéye et ma soeur Ndamouthé Fall. Ce jour-là, Golbert Diagne n’avait pas voulu venir à Dakar la veille. Il avait préféré dormir à Saint-Louis et se rendre à Dakar le jour même de l’audience dans sa voiture conduite par Lamine Ndiaye. Malheureusement, il a été victime d’un accident de la circulation vers Mékhé et n’a pas pu arriver à Dakar à temps. Ce jour-là, j’ai eu la plus grande frayeur de ma vie! Heureusement, à part quelques contusions Golbert s’en est sorti indemne, par la grâce de Dieu. C’est vous dire encore une fois que Golbert aimait Saint-Louis à la folie!
Il s’érigeait toujours en bouclier pour s’opposer à tout acte inélégant, toute parole irrévérencieuse, toute agression au détriment de Saint-Louis et des Saint-Louisiens! En résumé, il détestait l’injustice et l’arbitraire. Il adorait la compétence et la loyauté!

Alioune B. Diagne a toujours adoré le Coran glorieux. Ainsi, il est l’initiateur des Kaamil de Saint-Louis (lecture du saint Coran) au cimetière de Marmyaal et à celui de Caaka Njaay pendant le mois de Ramadan. Ce sont des prières destinées aux morts. Ce sont des rencontres impressionnantes et émouvantes qui mobilisent les imaam et la quasi-totalité des daara (écoles coraniques) de Saint-Louis! Cette initiative fera sûrement partie du leg de Golbert au patrimoine historique de Saint-Louis.
Qui va succéder à Golbert pour perpétuer son oeuvre? Seul Dieu sait qui va porter le flambeau hérité de Golbert. Saint Louis compte beaucoup de cadres et de jeunes dynamiques et engagés qui eux aussi aiment Saint-Louis avec fureur. Ce que je peux assurer, c’est que l’étendard Saint-Louisien ne tombera jamais! L’association Guy Séddële est toujours là avec son dynamique Président Bouba Hann, Mody Ndiaye « Prési » et les autres membres pour veiller sur Saint-Louis, la plus belle ville du Monde!

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