17 ans déjà ! Les années passent vite. Les souvenirs restent amers, surtout de la part des familles des victimes et rescapés. La pilule reste difficile à avaler, même s’ils savent qu’il faudra s’en remettre au Bon Dieu et prier.
Des avancées, il y en a eu certes dans le traitement du dossier, mais force est de retenir que des insatisfactions restent. Le renflouement du bateau reste un vœu pieu, et les procédures judiciaires ouvertes, aussi bien en France qu’au Sénégal, ont été closes.
La vérité ne sera pas connue. Du moins pas dans sa totalité. On a manifestement surchargé un bateau. Conçu pour transporter 536 passagers, on en a mis pratiquement trois fois plus. Une irresponsabilité que la société sénégalaise partage avec un Etat parfois défaillant.
Conséquence, presque deux mille personnes y ont perdu la vie alors qu’ils ont fait confiance au système, à leur pays, à leurs institutions.
Malheureusement, on n’a pas assez situé les responsabilités. L’impunité a prévalu et on a préféré dédommager les familles des victimes. Or, tout le monde sait que cela ne suffit pas.
Pis, on aurait pu retenir la leçon et amorcer une révolution dans notre pays. Eh bien, celle-ci n’a duré que le temps d’une rose. Vite, très vite, on a repris nos habitudes, celles qui consistent à prendre des risques et à les faire prendre à d’autres.
Depuis, les accidents continuent à peupler notre quotidien. Au point, d’ailleurs que beaucoup s’interrogent sur leur caractère ‘’naturel’’. Dans un environnement de superstition, on s’imagine que ce sont les djinns qui font que nous prenons des risques, surchargeons nos voitures de transports, nos pirogues, nos ferry, versons dans l’excès de vitesse, etc.
Non, soyons plus sérieux pour amorcer, enfin, un travail d’introspection de nature à éviter tout comportement à risque sous le contrôle des autorités policières et étatiques.
L’ordre ne saurait prévaloir sans un minimum de règles, de rigueur pour leur application et de sanctions en cas de violation.
Le naufrage du Joola aurait, depuis longtemps, pu servir de catalyseur à cette dynamique nouvelle, aussi bien pour les populations que pour les autorités. Au lieu de réserver tout cet argent à des condoléances à chaque fois qu’il y a des accidents, on peut travailler à la sensibilisation et à l’applicabilité des mesures de coercition.
Toutes ces personnes disparues attendent de nous que nous honorions leurs mémoires en tirant les leçons d’un naufrage que nous aurions pu éviter.
Pis, jusqu’ici, nos Sapeurs-pompiers, en nombre insuffisant, sont mal équipés, les services de secours insignifiants, la protection civile mal connue des Sénégalais et la prévention, un simple souhait.
Or, nous ne pouvons pas accéder au développement, assumer notre choix de société de croyants si nous négligeons les précautions élémentaires liées à la protection de notre vie et de celle des autres.
Le Joola devrait être un rappel. Malheureusement, le nombre de catastrophes de ce genre enregistrées, y compris à Bignona, Sédhiou et ailleurs dans le pays, ne serait-ce que cette année, traduisent le fait que nous nous moquons de nos vies et de celles des autres.
Pas un seul jour ne passe sans qu’il n’y ait accident mortel. Celui d’hier sur l’autoroute Ila Touba a fait trois morts…
Alors, c’est avec beaucoup d’interrogations que nous voyons organiser cette commémoration. Elle est certes importante pour les familles, mais celles-ci auraient souhaité que l’on en tire toutes les leçons afin que la disparition de leurs proches serve à changer les comportements et les habitudes.
Malheureusement, il n’en est rien.
Assane Samb