Le colonel Abdourahim Kébé était face à la presse il y a quelques minutes au siégé du jeune socialiste Abba Mbaye dans le quartier Balacoss. Dans son discours, il a promis de répondre à la convocation de la gendarmerie demain à 16 h à Colobane. Toutefois, le colonel Kébé rappelle que » son engagement pour la politique est irréversible » pour le bien être de la population. Voici son discours lors du point de presse.
Jeudi 04 juillet 2019
À l’entame de mon propos, je voudrais d’emblée remercier mes compatriotes au
Sénégal et dans la diaspora, pour la solidarité agissante dans les épreuves qui m’ont
été imposées immédiatement à l’issue des élections présidentielles, avec mon
arrestation suivie d’une campagne de dénigrement orchestrée, indigne d’une
démocratie civilisée.
La mobilisation générale qui a été observée est la marque de la volonté réaffirmée du
peuple sénégalais de ne jamais cautionner l’injustice. C’est une vérité de La Palice tant
cette affirmation en preuves abonde.
En fait, j’ai été inculpé de provocation directe à un attroupement armé à la suite d’une
publication sur ma page facebook qui pourrait passer inaperçu si le Gouvernement avait
su faire preuve de sérénité. Ce qui était loin d’être le cas avec un ministre qui s’est
empressé de faire allusion à un coup d’état militaire.
Dans la foulée, le ministre des Forces armées de l’époque a fait parvenir à la presse
une note de nature à brouiller les esprits. Il a mis à profit la large plage d'incertitude et
d'interprétation dans l’application du devoir de réserve. Son document, très laconique
par ailleurs, évoque la loi 2008-28 du 28 juillet 2008. Il stipule que les militaires à la
retraite sont soumis à l’obligation de réserve jusqu’à l’âge de 65 ans. J’ai été sidéré par
la légèreté des arguments fournis par le ministre de la république.
En effet, il n’y a qu’une seule loi qui restreint les libertés des militaires en activité et les
assujettit pendant la durée de leur service, et c’est la loi 71-0024 du 6 mars 1971. La
loi 2008-28 ne fait qu’étendre la durée de l’âge d’assujettissement de vingt (20) a
soixante-cinq (65) ans. Il s’y ajoute qu’il faut un acte pour qu’il y ait assujettissement ; or
je n’ai pas vu d’acte d’assujettissement. Conclusion : J’ai droit, comme tout citoyen non
assujetti, à m’engager en politique et dans les actions citoyennes et cet engagement est
irréversible.
C’est à ce titre que je soutiens activement le Mouvement AAR LI NU BOKK, un
mouvement citoyen qui lutte pour l’intérêt général en demandant la transparence dans
la gouvernance de nos ressources naturelles et financières. A travers sa démarche
inédite, AAR LI NU BOKK est entrain de contribuer de façon décisive au
développement du niveau de conscience de nos concitoyens.
Mon engagement citoyen n’est certainement pas pour plaire, ce qui me vaut une
convocation qui m’a été remise hier, mercredi 3 juillet 2019 à 11 heures. Il m’est
demandé de me présenter à la section de recherche de la gendarmerie nationale sise à
la caserne Samba Diéry Diallo, à Colobane, le vendredi 05 juillet 2019 à 16 heures 00
tout en me suggérant de me faire assister par un avocat.
En bon citoyen respectueux de la justice, je vais déferrer à la convocation au jour et à
l’heure indiqués.
Il conviendrait toutefois de ne plus me servir l’argument du "devoir de réserve". Ce
devoir ou obligation de réserve a pour unique objectif de garantir la neutralité et
l'impartialité de l'administration et de ne pas nuire à son renom. À ce titre, on peut
certes comprendre les restrictions de liberté d'expression appliquées aux militaires en
activité et à certains agents de la fonction publique. Cependant, il n’est pas pertinent de
chercher à bâillonner un militaire à la retraite dont l’action n’engage plus
l’administration.
C’est un manque de respect à ceux qui ont sacrifié l’essentiel de leur vie à respecter les
fondamentaux identitaires des armées, contribuant ainsi, grâce à leur professionnalisme
et leur loyauté sans failles aux institutions de la république, à la stabilité du pays. Cette
inélégance républicaine renforce le sentiment que le militaire sénégalais en activité ou à
la retraite est encore considéré comme un citoyen à part et non comme un citoyen à
part entière. Il est temps que cela cesse et définitivement. C’est pourquoi j’interpelle les
juristes et les organisations des droits de l’homme pour que soit mis fin a cette injustice
qui veut que le militaire, quel que soit par ailleurs son rang, reste un sous-citoyen à sa
retraite.
Une chose est claire : cet acharnement/harcèlement qui frise l’intimidation n’entamera
en rien ma détermination à servir mon pays aux côtés du peuple ignoré, souffrant et
victime de toutes les peurs. » Le colonel Abdourahim Kebe »