S’IL M’ETAIT PERMIS DE DONNER DES CONSEILS AU CONSEIL DES MINISTRES ( par le colonel Momar Guèye )

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« Les agents de l’État doivent adopter le culte du résultat, et cultiver davantage, la probité, la loyauté, l’humilité, le respect et la courtoisie, être au service des usagers par sa proximité, sa simplicité, sa disponibilité, sa célérité… »

« Les agents de l’État doivent adopter le culte du résultat, et cultiver davantage, la probité, la loyauté, l’humilité, le respect et la courtoisie, être au service des usagers par sa proximité, sa simplicité, sa disponibilité, sa célérité, la lisibilité et l’efficacité de son action »

Tels étaient les propos du Président Macky Sall lors de la cérémonie d’ouverture du Forum national de l’administration, tenu les 9 et 10 avril 2016 à Dakar. Si ces directives étaient scrupuleusement suivies par toutes les ramifications de l’administration, il n’y aurait certainement pas eu tant de plaintes et de complaintes contre ces hauts cadres qui ont eu la chance d’avoir été choisis par le Gardien de la Constitution, pour se mettre au service de leurs concitoyens.

En écrivant ces lignes, je suis à peu près sûr, de traduire la forte frustration de mes compatriotes qui sollicitent les agents de l’État pour diverses raisons relevant des compétences de l’administration. Il est de notoriété publique qu’une grande majorité des autorités délégataires du pouvoir républicain, brillamment conféré une seconde fois au Président Macky Sall, le 24 février 2019, ne répondent presque jamais aux courriers, aux appels téléphoniques, aux demandes d’audiences et autres sollicitations bien fondées que leur adressent les usagers. En plus de certains ministres et assimilés, cette négligence des préoccupations des citoyens est observée chez des présidents d’institution, directeurs généraux et autres.

Très souvent, des ministres et directeurs généraux se réfugient derrière une administration froide et impersonnelle ou se servent de leurs innocentes secrétaires comme boucliers, pour échapper à leurs obligations, face aux sollicitations quotidiennes des usagers de l’administration et des institutions de la République. Et si par hasard un citoyen anonyme débarquait dans les locaux d’une administration publique pour solliciter une audience pour raison personnelle, une charmante secrétaire le recevra et lui opposera invariablement l’obligation de prendre rendez-vous auparavant, avant de pouvoir rencontrer le Ministre ou le DG, patron des lieux. Quand le citoyen téléphone pour prendre rendez-vous, un (e) assistant (e) fait semblant de prendre note en promettant de le rappeler, sans jamais le faire… De tels agissements sont manifestement de nature à transformer l’administration sénégalaise en une redoutable machine à fabriquer des mécontents, des frustrés et des malheureux.

Monsieur le Président de la République, j’aurais pu vous donner des noms de ministres et DG qui répondent du tac au tac aux SMS, aux messages whatsap et qui vous reçoivent en audience même si vous arrivez à l’improviste à leur secrétariat. Il faut avouer aussi qu’il y’en a toujours qui sont très inaccessibles, parfois discourtois et arrogant. Ce sont notamment ceux-là qui arrivés au pouvoir, ont totalement tourné le dos à leurs amis et à ceux qui les soutenaient.

S’il m’était permis de donner des conseils au Conseil des ministres, j’aurais rappelé respectueusement le célèbre message que le Président Lamine Guéye nous a légué et que notre ami Elhadj Mansour Mbaye nous rappelle souvent avec une forte tonalité: « Monter c’est facile, mais monter et rester soi-même, c’est ça qui est difficile! » Monsieur le président de la République en lançant la formule « Fast track » que je traduirais par « Vite fait! Bien fait » et en wolof « Bar te baax », vous avez sûrement compris qu’il est temps de mettre un terme aux lenteurs inutiles, aux lettres mortes et aux promesses sans suite. Vous avez souhaité que les hauts responsables soient le plus souvent sur le terrain, au lieu de rester dans les bureaux la plupart du temps. Après avoir servi quarante ans dans l’administration, il me paraît utile de rappeler les vertus de l’administration du temps du Président Senghor.

En ce temps-là, l’administration était ordonnée, disciplinée et plaine d’élégance. Elle respectait scrupuleusement les règles de la déontologie en la matière. La réponse au courrier des citoyens était sacrée. Le Président Senghor répondait presque à tout le monde et dans les délais les plus courts. En plus, aucun de ses collaborateurs n’osait court-circuiter ou détourner son courrier personnel. Il exigeait de ses ministres et autres hauts fonctionnaires le même comportement de loyauté. C’est ainsi que quand la requête d’un citoyen exigeait un traitement d’une certaine durée, le Président poète lui adressait un accusé de réception ou une lettre d’attente. Il avait bien compris que la satisfaction d’une requête n’est pas toujours possible ou obligatoire, mais la réponse au courrier du requérant est toujours obligatoire pour l’administration.

Cette façon de faire traduisait une marque de courtoisie et de considération à l’endroit des usagers. La première lettre de Senghor que j’ai reçue porte les références suivantes: PR/DC1/000415 du 22 mars 1972. J’en avais reçu bien d’autres en plus des audiences périodiques qu’il m’accordait, malgré mon jeune âge. Il ne m’a jamais fait poireauter. Monsieur le Président de la République, je vous félicite encore une fois d’avoir eu la pertinence et la clairvoyance de rappeler à votre gouvernement et à votre administration, les règles essentielles de la déontologie administrative, autrement dit les « bonnes pratiques ». Vous avez demandé à notre administration « d’épouser les réalités de son temps et de s’adapter à ses missions devenues plus nombreuses, plus diversifiées, plus complexes et plus exigeantes ». Vous avez rassuré les Sénégalais en déclarant votre ferme intention de mettre un terme à la routine, aux lenteurs, aux procédures et formalités infinies et obsolètes.

En plus de ces mesures salutaires, je voudrais suggérer que les serviteurs que sont les ministres, directeurs généraux et autres d’accepter les critiques constructives, de faire preuve de plus d’humilité et de considération à l’égard des Sénégalais. Il serait souhaitable qu’obligation leur soit faite de réserver de manière régulière et à leur convenance, « une journée d’audience sans rendez-vous », afin de permettre aux Sénégalais anonymes qui le désirent, de les rencontrer, sans aucune formalité préalable. Chaque journée d’audience libre ferait l’objet d’un rapport qui serait adressé au Chef de l’État, avec ampliation au Ministre d’État, Secrétaire général de la Présidence de la République. Pour terminer, je voudrais me référer à mon livre « Crise au Projet agroforestier de Diourbel, mon combat contre l’arbitraire (Ed: Le Harmattan 2002. 158 p.).

Dans cet ouvrage, j’attirais l’attention des dirigeants de l’administration, sur les cas d’injustice et d’arbitraire qu’ils font subir aux agents de l’Etat placés sous leur autorité. Certains d’entre eux n’arrêtent pas de martyriser leurs collaborateurs, au point de détruire leur carrière pour des raisons crypto personnelles et fallacieuses. Beaucoup de femmes sont victimes de harcèlements, de chantage et autres brimades dont les motivations sont totalement étrangères aux règles de bon fonctionnement et à l’élégance de l’administration. Je garderai toujours en mémoire, le triste souvenir de ce brave Gouverneur de région qui a été victime d’une profonde injustice de l’administration, durant sa brillante carrière. Au cours d’une tournée économique qu’il avait entreprise, le Gouverneur en question a été victime d’un malaise et a fait l’objet d’une évacuation sanitaire.

Arrivé à Dakar, il a été admis aux urgences, à l’Hôpital principal où il a subi une intervention chirurgicale. C’est au moment où il était en salle de réanimation et que son état de santé critique inquiétait sa famille, ses parents et amis, que le Conseil des ministres a adopté une « mesure individuelle » le relevant de ses fonctions, à la stupéfaction de toutes les populations de la région qu’il dirigeait avec bravoure et dévouement. Le Gouverneur en question s’est difficilement remis de ce coup dur. Cette lourde déception ne l’a jamais quitté jusqu’à sa mort. N’oublions jamais que servir dans l’administration, c’est servir le peuple sénégalais dans l’honneur et la droiture, sans protestation ni murmure, mais aussi avec courtoisie et humanisme. Que Dieu garde le Sénégal et protège ceux à qui Il a confié le destin de notre peuple.

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