Depuis l’annonce des richesses petrolières et gazières, le Sénégal est secoué par des remous sociaux ponctués par des grèves, des mouvements estudiantins, des invectives, des injures, des menaces, des discours partisans et violents. Notre pays est devenu pour ainsi dire, une nation ou les dirigeants sont toujours insultés, invectivés, menacés et agressés. L’Etat est désacralisé et dépouillé de son manteau de respect et de considération qui a toujours constitué sa force républicaine.
Dans le Sénégal d’aujoud’hui, ceux qui doivent parler ne le font plus, par crainte d’être insultés par des «moins que rien», inconnus au bataillon des patriotes et des familles de grande valeur morale dans notre pays. A présent ce sont ceux-là qui devraient se taire qui prennent toujours la parole, à travers les médias et réseaux sociaux. Ce sont eux qui, l’injure à la bouche, interpellent sans respect, les autorités supérieures de notre pays. Ils n’épargnent, ni le Chef de l’État, ni le Président de l’Assemblée nationale, ni le Premier Ministre, ni les magistrats, ni les guides religieux.
Nous oublions souvent que la parole est l’arme la plus fatale dans une société. Wolof Njaay le rappelle par le dicton : Wax, soxu fetal la, su rëccee, dabu ko wees. (la parole est comme un coup de fusil, impossible de la rattraper). Quand la parole n’est pas revêtue d’une couverture de pudeur, de paix, d’élégance et de mansuétude, elle devient inéluctablement une arme de destruction massive pouvant causer des conflits et des guerres fratricides. Au Sénégal, la parole publique, souvent venimeuse et destructrice émise par certains compatriotes, est en train de démolir la stabilité et la cohésion sociale de notre peuple. En général, la plupart de ceux qui interpellent, accusent ou invectivent publiquement les autorités, ne connaissent pas du tout ou ne maitrisent pas du tout les tenants et les aboutissants des dossiers dont ils parlent…
Dans un passé récent, le Pr. Oumar Sankharé, seul Africain agrégé en Grammaire et en Lettres classiques, a été lynché à mort par la parole publique venant de personnes qui n’avaient ni vu, ni lu, ni compris son fameux livre intitulé : «Le Coran et la Culture grecque». Malgré les excuses publiques du Professeur et le rappel de sa fidélité à l’Islam, au Coran et au message du Prophète Mouhamed (PSL), il a été «exclu de l’Islam» contre son gré et «condamné à mort» par ceux qui ont semblé avoir oublié qu’Allah (SWT) est surtout Ar Rahmaan (Le Très Miséricordieux), Ar Rahiim (Le Tout Miséricordieux), Al Ghaffaar (Celui qui pardonne). C’est ainsi que l’éminent Professeur Sankharé, blessé de toutes parts par des rafales de paroles acerbes et impitoyables, a choisi la mort, face à l’humiliation.
Il y a quelques jours, un leader politique a commis des erreurs sur l’interprétation du Coran par rapport à la Mecque et Jérusalem. Sa déclaration malheureuse a suscité un terrible séisme dans la communauté musulmane de notre pays. Certes, j’ai souvent regretté les propos parfois inélégants de ce leader en direction des autorités qui symbolisent nos institutions, mais la violente fusillade verbale qui s’est abattue sur lui, a suscité une vive inquiétude au Sénégal. En effet, l’affaire a semblé prendre une tournure à caractère confrérique et conflictuel. Une menace rampante se profilait à l’horizon…
Heureusement, le message de paix et d’union des cœurs lancé par Serigne Mountakha Mbacké Khalife général des mourides, a rappelé aux passionnés et aux partisans que Serigne Touba a toujours prôné la paix et le pardon.
Serigne Mountakha Mbacké a brillamment rappelé que tous les musulmans sont des parents comme le dit si bien le Coran glorieux. Son message nous renvoie au xasaayid intitulé Masaalikul Jinaan (Itinéraires du Paradis) de Cheikh Ahmadou Bamba. Je cite :
«Chaque wird conduit le pratiquant vers l’enceinte scellée de Dieu sans déviation ; Peu importe que ce wird vienne d’Al Jeylaani (Cheikh Abdul Qaadir), de Ahmad Al Tiijaani ou d’un autre parmi les Qutbs (pôles) que Dieu soit Satisfait d’eux ; Car ils sont tous dans la bonne direction ; Chacun d’eux appelle les aspirants et les incite à l’adoration du Maître du Trône, où qu’ils soient ; Tous les wird sont dans la rectitude et la probité. Gardes-toi de les mépriser ou d’en critiquer un seul ta vie durant. » (Extrait de Masaalikul Jinaan, Chapitre du wird v. 271 à 275.). Traduit par Serigne Saam Mbay ». Fin de citation.
Le message d’apaisement unificateur et fraternel de Serigne Mountakha Mbacké est à saluer avec force ! En effet, les positions religieuses confrériques et politiciennes radicales et violentes étaient en train de menacer dangereusement la stabilité et la cohésion sociale de notre peuple. La plupart des intervenants dans cette malheureuse affaire, ont semblé avoir oublié l’importance du pardon en Islam. Ils ont oublié les trois illustres noms d’Allah (SWT) que voilà : Ar Rahmaan (Le Très Miséricordieux), Ar Rahiim (Le Tout Miséricordieux), Al Ghaffar (Celui qui Pardonne). Ces trois noms de Dieu, devraient nous inciter à toujours privilégier le Dialogue, la Persuasion et le Pardon, à chaque fois qu’une faute est commise quelque part par un compatriote. En effet, l’erreur est véritablement humaine !
J’ai cité ces deux exemples récents pour mettre en garde mes compatriotes contre les dérives verbales, les positions radicales et extrémistes, les propos inélégants et violents. Au Sénégal, nous parlons beaucoup ! Nous parlons trop de ce que nous ne maitrisons pas ! Nous nous plaignons beaucoup ! Nous nous plaignons tout le temps ! Nous avons adopté l’indiscipline comme ligne de conduite et comme mode de vie ! Nous oublions toujours de rendre grâce à Dieu (SWT), Lui qui nous a gratifié d’innombrables bienfaits ! Le Sénégal est un pays chanceux qui récolte toute l’année des produits du cru : (maïs, mil, arachides, pastèques, melons, oranges, mangues, plantes maraichères, fruits forestiers, etc.) Dieu nous a offert la mer, des fleuves, des rivières, le Lac de Guiers, etc. Dieu nous a offert des poissons de toutes sortes et des fruits de mer de toutes espèces. Dieu nous a offert bovins, ovins, caprins, équins et., sans oublier la faune et la flore. Dieu nous a offert une volaille variée et en très grand nombre !
En plus de tout cela, le Créateur vient de nous gratifier d’immenses gisements de Pétrole et de Gaz ! Quelle chance ! Mais là encore, au lieu de nous réjouir et de rendre grâce à Dieu, nous continuons à polémiquer, à insulter, à soupçonner tout le monde et à jeter des pierres à nos dirigeants institutionnels et religieux.
Au lieu de nous mobiliser et de nous organiser dans le but d’exploiter sereinement et rationnellement ces ressources naturelles inestimables, nous passons notre temps à nous plaindre, à critiquer tout et à insulter tout le monde. Le Sénégal, jadis pays de paix et de téranga, est en train de devenir un pays où la violence criminelle règne partout. Elle n’épargne plus personne ! Même nos enfants vivent dans la terreur, car ils sont pourchassés, kidnappés, maltraités, mutilés et massacrés. Les femmes aussi sont battues, violées, violentées et assassinées. Les forces de défense et de sécurité dans l’exercice de leur mission sont attaquées, blessées et humiliées dans l’indifférence générale. Le Sénégal est véritablement en train de devenir la tête de file des pays dans lesquels, au nom de la démocratie, on insulte souvent et sans raison, les autorités qui gouvernent la nation.
Le Président Chirac avait-il donc raison de dire que «la démocratie n’était pas faite pour les Africains ?» En vérité, un comportement de cette nature est souvent générateur de conflits et de guerres civiles, à l’image des tragédies qui ont frappé le Rwanda, la Côte d’Ivoire et la République Centre Africaine…
Prenons garde, chers compatriotes ! Ceux qui attisent le feu de la violence et de l’intolérance ne font que renforcer les menaces rampantes qui guettent le Sénégal. Leur unique désir c’est d’enflammer notre pays, pendant que d’autres puissances tapies dans l’ombre, exploiteront tranquillement nos ressources naturelles inestimables ! Et ce sera alors la malédiction du pétrole et du gaz au Sénégal. Que Dieu nous en préserve !
En vérité, au Sénégal, nous n’avons besoin ni d’un homme fort, ni d’un État fort. Nous avons juste besoin d’un peuple discipliné qui parle peu, qui travaille beaucoup et qui respecte des lois et règlements de la République !
Moumar GUEYE
Écrivain
Master of science
Grand-Croix de l’Ordre du Mérite
E-mail : moumar@orange.sn