Le verdict du procès de Khalifa Sall, le Maire de Dakar, élu député lors des législatives de juillet, est très attendu aujourd’hui, par tous les Sénégalais.
Le Procureur Serigne Bassirou Guèye a demandé sept ans de prison et une amende de plus de 5 milliards de nos francs. Sera-t-il suivi par la Cour ? C’est ce que l’on saura dans quelques heures à moins que la grève du Sytjus, les travailleurs de la Justice dont font partie les greffiers, n’entrave le prononcé du verdict. Dans tous les cas, une solution alternative est possible, avec des greffiers ‘’ad hoc’’ en général des gendarmes qui pourraient faire le travail.
Qu’à cela ne tienne, les Sénégalais, surtout les Dakarois retiennent leur souffle. Ce qui est en jeu ici, c’est non pas seulement la liberté d’une personne même si celle-ci est importante, mais son avenir politique en tant que leader d’un mouvement, d’une coalition et surtout candidat potentiel à la future présidentielle de 2019.
Ce qui est aussi en jeu, c’est la crédibilité de la Justice sénégalaise qui vient de perdre un de ses membres, le juge Dème qui s’en est allé non sans avoir, au préalable, cloué au pilorié cette institution qui, pour lui, a démissionné.
Les juges devront, plus par leurs motivations que par le verdict, démontré, qu’ils n’ont suivi que la loi, rien que la loi. Car, dans cette affaire et dans bien d’autres, le caractère sélectif des poursuites a jeté un doute raisonnable dans l’esprit des citoyens. Mais la poursuite n’est pas du ressort du juge du siège pour qui, ce qui importe vraiment dans un procès pénal, c’est que sa conviction soit faite sur la culpabilité ou l’innocence du prévenu.
Les règles du jeu ont été respectées. Le Procureur a livré ses preuves, fait son réquisitoire appuyé par l’Agent judiciaire de l’Etat et les avocats de la partie civile, les défenseurs de Khalifa Sall ont émis leurs arguments parfois avec passion. Mais, que voulez-vous ? Ce sont les règles du jeu. Un jeu, qui, au finish, va aboutir à l’emprisonnement ou à la libération d’un homme pris dans le collimateur de la Justice et qui en souffre au même titre que ses proches.
Ce que le juge va décider, personne ne le sait. Mais ce qui est sûr, c’est que comme l’Affaire Karim Wade à la Crei, ressuscitée, notre système judiciaire a montré ses limites, ses défaillances, ses insuffisances. Le mécanisme est centenaire, inspiré de la France qui l’exerce autrement.
Alors, il est temps que les réformes tant vantées soient appliquées. Le Président de la République, chef de parti, ne saurait être à la fois Chef du Conseil supérieur de la magistrature et tuteur en chef de la Chancellerie qui détient le pouvoir redoutable de l’opportunité de poursuite.
Nous ne pouvons plus admettre qu’un seul homme détienne tous ses pouvoirs et en use comme il l’entend. S’il veut être gentil, il laisse les choses se passer normalement, s’il entend être méchant, il instrumentalise la Justice. Car, depuis Senghor, nos Chefs d’Etat ont toujours eu le pouvoir d’instrumentaliser la Justice. C’est une réalité vérifiable. Les juges qui ont voulu résister ont subi des pressions et certains comme Me Babacar Sèye ont subi des violences et la mort.
Mame Madior Boye, au temps de Diouf, alors magistrat, a dû se passer de son logement de fonction d’où elle a été chassée parce que simplement, elle n’officiait dans le sens voulu par le régime d’alors.
Mamadou Dia a été accusé par Senghor de coup d’Etat et écroué, Idrissa Seck de malversations financières dans le cadre des chantiers de Thiès et même Macky Sall a failli y passer pour blanchiment d’argent. Il a fallu toute la diligence du Ministre de la Justice d’alors Me Madické Niang qui a confessé tout récemment avoir personnellement empêché l’emprisonnement de ces deux hauts cadres. Si Idy et Macky ont été sauvés, c’est que Madické Niang l’a voulu. Et à travers lui, son mentor, Abdoulaye Wade. C’est cela qui doit cesser. On est sauvé de la Justice parce qu’on est innocent. Les coupables doivent être punis. Or, pour revenir ou instaurer définitivement cette orthodoxie, il faut que le droit et la politique soient séparés.
Et tout le monde sait ce qu’il faut faire. Seulement, c’est la volonté politique qui manque.
Assane Samb