Serigne Mbaye Sy Mansour, 85 ans, est le nouveau khalife des Tidjanes. Certains de ses proches et des membres de sa famille dressent son portrait.
Il est le nouveau khalife des Tidjanes. Surnommé le « gardien du temple », Serigne Mbaye Sy Mansour, un homme de lettres, est le fils de Serigne Mansour Sy Malick et petit-fils d’El Hadji Mawdo Malick Sy, le guide la confrérie tidiane et khalife de Cheikh Ahmed Tidiane Chérif au Sénégal.
À la mort de Maodo en 1922, son fils Serigne Babacar Sy prit le flambeau jusqu’en 1957 avant de passer le témoin à Abdou Aziz Sy dit « Dabakh », très tôt initié aux réalités du califat, justement, par le père de Serigne Mbaye Sy Mansour.
Sur les traces du grand-père El Hadji Malick Sy
Pour mieux se familiariser avec la personne du 7e khalife de Tivaouane, il faut revisiter un pan de l’histoire coloniale et remonter à l’époque de la Grande guerre (14-18), lorsque la France sollicita l’enrôlement des Africains pour aller défendre l’ancienne métropole. El Hadji Malick Sy, son grand-père, autorisa l’enrôlement de son propre fils, Sidy Ahmed Sy. « Je n’envoie pas au front les fils des autres, mais mon fils aîné Sidy Ahmed », déclara-t-il à l’époque.
Voilà donc Sidy Ahmed parti pour la première Guerre mondiale, à plus de 6000 km de Dakar. Sidy Ahmed savait qu’il ne reviendrait pas, qu’il trouverait la mort sur le champ de l’honneur, en 1916. Au moment de faire ses adieux, il a alors dit à son frère Babacar Sy : « Tu seras le khalife de ton père (Maodo Malick Sy) ». Puis l’accompagnera de sa bénédiction et de prières pour sa mission future.
57 ans de vie et de bonnes œuvres
Né en 1900 et mort en 1957, Mansour Sy, père de l’actuel khalife, était âgé de 22 ans au décès de son père El Hadji Malick Sy. Il est, pour rappel, le frère cadet de Babacar Sy, et est du même père et de la même mère que Dabakh.
Lundi 25 mars 1957 : rappel à Dieu de Serigne Babacar Sy. Le vendredi suivant, Mansour qui devait être intronisé pour recevoir les condoléances et ensuite prendre la relève, a appelé Abdou Aziz Sy Dabakh, lui a donné des instructions et l’a chargé de diriger la prière. C’était le 29 mars de la même année, au crépuscule de sa vie. Cette injonction était une manière d’initier Dabakh aux nouvelles fonctions dont il aura la charge. De lui passer le flambeau étant donné que Mansour ne mettra pas longtemps à rejoindre Babacar et El Hadj Malick Sy dans l’autre monde.
D’ailleurs, c’est dans la soirée du vendredi qu’il rendit l’âme, soit quatre jours après. Revoilà Tivaouane endeuillée en moins d’une semaine. Et c’est dans ce contexte de deuil qu’advint l’intronisation de Dabakh à la tête du califat.
Pendant 57 ans de vie et de bonnes œuvres dévouées au Seigneur, Serigne Mansour s’était illustré par sa dimension humaine. Il avait pris sous sa coupe un de ses homonymes, Mansour Mbaye, le célèbre communicateur traditionnel. Sur terre, le chef religieux ne laissera qu’un fils, du nom de Babacar dit Mbaye Mansour, et une fille du nom de Sokhna Fatou Sy Mansour, devenue la première épouse de celui qu’on surnomma « Borom Daradji » (4e khalife des tidianes).
La mère de Serigne Mbaye Sy Mansour, Sokhna Aminata Seck, est issue d’une grande famille de Saint-Louis. Elle est la fille de Doudou Seck Bou Mogdad, un grand notable de Saint-Louis, renseignent nos sources.
L’épouse du khalife, première femme chef de quartier
Aux côtés de chaque grand homme, une grande dame ! Sokhna Aida Sy, actuelle épouse de Serigne Mbaye Sy-Mansour, ne fait pas exception à la règle. Fille d’El Hadji Abdou Aziz Sy Dabakh, elle est la première femme chef de quartier, au quartier dénommé Cheikh Ahmed Tidiane Chérif situé près de la Senelec, à l’entrée de la ville de Tivaouane. Un quartier moderne qui a connu une extension, devenu aujourd’hui l’un des quartiers les plus viabilisés de Tivaouane.
À l’Hôpital « Mame Abdou Aziz Sy Dabakh » qui porte le nom de son père, Sokhna Aida Sy est connue pour ses œuvres de bienfaisance. Elle y convoie chaque jour des repas destinés aux malades, et ce depuis plus de 20 ans, gratuitement, bénévolement, en toute discrétion. Avec la bénédiction de Serigne Mbaye Sy-Mansour, témoigne son entourage. Une manière pour elle de perpétuer l’œuvre caritative de son père, Dabakh, dont l’hôpital de Tivaouane porte le nom.
Un intellectuel, une forte personnalité
Né en 1932, le nouveau khalife général des Tidjanes est un lettré, un intellectuel. Il a fait ses humanités au Sénégal avant de s’envoler au Caire (Egypte) pour y poursuivre ses études supérieures. Versé dans les sciences islamiques à l’image de Mame Aziz Dabakh. Une forte personnalité. « Il a toujours vécu simple, jamais le culte de la personnalité, confie un proche. Dabakh avait intronisé Mbaye Sy Mansour imam, bien des années avant son décès (1997), pour diriger les prières de Tabaski et Korité. Mbaye Sy Mansour était le gardien du temple, très disponible mais ferme sur les principes. Ferme sur les principes de l’islam et de la charia, très aimable et pondéré. Il a le sens de la mesure, il est très discret et n’aime pas les protocoles. »
Inhumé aux côtés d’El Hadji Malick Sy
Pour ces personnes qui l’ont côtoyé de près, l’actuel khalife est « très fidèle en amitié, il convoie beaucoup de pèlerins à la Mecque, notamment les anciens amis de son père auxquels il est resté très attaché. Il accorde beaucoup d’importante à l’héritage, au legs de ses ancêtres. Son père est le seul membre de la famille à être inhumé dans le même caveau que El Hadji Malick Sy. Tout un symbole ! », fera constater un membre de la famille.
À Tivaouane, soufflent des proches, « Mbaye Sy Mansour a toujours été associé à toute prise de décision. C’est aussi quelqu’un qui a toujours gardé son équidistance avec les pouvoirs publics et il n’aime pas la langue de bois ».
À titre d’exemple, quand il a reçu une délégation de l’Assemblée, dernièrement, il n’a pas hésité à asséner ses vérités à l’endroit de toute la classe politique sénégalaise. Un franc-parler qu’il a réitéré ce dimanche 24 septembre 2017 devant des milliers de personnes, lors de son intronisation au troisième jour des obsèques d’Al Amine, moment choisi pour mettre en garde les auteurs de médisances qui s’aventureraient à lui rapporter des propos sur leurs semblables.
Ni privilèges ni protocoles
Un père modèle, Mbaye Sy Mansour marche sur les traces de ses parents et grands-parents. « Ses enfants ont reçu une très bonne éducation : de l’aîné Maodo Sy à tous les autres, renseigne-t-on dans on entourage. Mbaye Sy-Mansour est un père qui met tous les enfants sur le même pied d’égalité. Il ne fait pas de distinction entre ses propres enfants et ceux des autres. L’humilité est un de ses traits de caractère. Même pendant le ‘’bourde » (assemblée religieuse qui réunit des milliers de fidèles), tout le monde est au même niveau, assis par terre. »
A la fois frère et oncle de Al Amine, sa fermeté est connue de tous. «Serigne Abdou Aziz al Amine était le seul à pouvoir faire fléchir sa position sur certaines questions de principe. Mansour lui accordait à son tour beaucoup de faveurs quand il s’agissait de se laisser convaincre», poursuit notre interlocuteur.
Un homme très cultivé, il voyage en Europe annuellement, mais prend en charge ses propres déplacements au plan financier. Très autonome comme son père, il inspire respect. C’est un rempart et il n’aime pas l’hypocrisie. Mais il entretient de très bonnes relations avec toutes les familles religieuses du pays. Mbaye Sy-Mansour, c’est quelqu’un qui n’a jamais été demandeur de quoi que ce soit. Il a toujours refusé les privilèges», précise un autre. Son califat entamé ce 24 septembre 2017, s’inscrit dans la continuité de l’oeuvre d’El Hadji Malick Sy, de Dabakh, de son père. En somme, il est la synthèse de El Hadji Malick Sy.
ndar24.com